Félix Leclerc (né le 2 août 1914 à La Tuque, Québec, Canada - 8 août 1988 à Saint-Pierre-de-l'Île-d'Orléans, Québec, Canada) est un auteur-compositeur-interprète, un chansonnier, un poète, un écrivain et un acteur québécois.
Ses parents, Fabiola Parrot et Léonidas Leclerc, eurent onze enfants. Le 6ième fut Félix. Il commence des études à l'Université d'Ottawa, mais est obligé d'arrêter en raison de la Grande Dépression.
Leclerc occupe divers petits boulots avant d'être employé comme animateur radio dans les villes de Québec et de Trois-Rivières de 1934 à 1937. En 1939, il écrit des scénarios pour le compte de Radio-Canada à Montréal, développant des pièces dramatiques à la radio, comme Je me souviens. Il y chante ses premières chansons. Il joue aussi dans diverses pièces dramatiques, incluant Un homme et son péché. Il publie bon nombre de ses scénarios et fonde une compagnie théâtrale qui présente ses pièces à travers le Québec.
En 1950, il est découvert par l'imprésario parisien Jacques Canetti qui l'invite à chanter en France où il obtient beaucoup de succès. Il se produit à l'ABC de Paris. Il signe ensuite un contrat d'enregistrement de disques avec la marque Polydor. Il revient au Québec en 1953.
Il continue à donner des spectacles. Il est aussi présentateur dans le cadre de différentes émissions télévisées culturelles, dont l'une sur les légendes du Québec pour Radio-Canada.
Le 13 août 1974, il participe, avec Gilles Vigneault et Robert Charlebois, au spectacle de la Superfrancofête sur les plaines d'Abraham devant plus de 100 000 spectateurs. Cette prestation est immortalisée sur l’album J’ai vu le loup, le renard, le lion.
Il meurt dans son sommeil, le 8 août 1988, à l'Île d'Orléans, où on a dispersé ses cendres.
Leclerc a été l’instigateur de la tradition des chansonniers québécois. Il fut aussi une voix puissante du nationalisme québécois.
Quand j'ai entendu pour la première fois Félix Leclerc chanter "Le petit Bonheur", j'ai eu aussitôt l'envie de l'interpréter pour que d'autres puissent partager mon émotion. C'était en 1967, et depuis je n'ai cessé de la présenter dans de multiples spectacles. Leclerc c'est pour moi avant tout un magicien des mots avec cette grande simplicité qui touche au cœur, un dénuement plein de sentiments, sans artifices, et c'est cela qui nous le rend émouvant.
Il a été admiré par Georges Brassens et Jacques Brel qui débutaient alors dans la chanson , ce qui n'est pas étonnant pour un homme de conviction qui a combattu pour l'indépendance du Québec et s'est insurgé contre des idioties sociales.
"Le petit bonheur"
La qualité de son écriture, la simplicité de ses mots, les émotions qui s'en dégagent, sa proximité avec la nature le désignent comme un poète des champs. Ses peintures des gens simples, sa mémoire de la vie en font un poète que l'on écoute avec beaucoup de tendresse, avec la joie d'entendre un conteur, même si parfois le ton est plus grave pour aborder des problèmes de société. L'amour, au sens large du terme, est très présent dans l'œuvre de Félix Leclerc.
Trop souvent classé comme un poète bucolique il n'en est pas moins un Auteur-Compositeur avec des coups de gueule. Il a écrit "Sur les 100 000 façons de tuer quelqu'un" en 1972, il dénonçait alors l'indemnisation des chômeurs que l'on tuait à ne rien faire. Nous mesurons aujourd'hui en quoi il avait raison dans sa colère.
"Sur les 100 000 façons de tuer quelqu'un"
Félix Leclerc a une voix chaude, calme et pausée qui donne envie de l'écoutez nous parler des gens simples, de rentrer dans son univers paisiblement, même si parfois le ton est grave, parfois un peu désespéré. Il présente une galerie de personnages avec leur travers et leurs sentiments, leur joie ou leur désespoir. Le style est dépouillé et pourtant d'une grande richesse dans la narration de même pour la musique avec pour seul accompagnement une guitare et une contrebasse. Félix Leclerc ne donne pas dans l'artifice, sobrement il nous convainc pourtant.
"Moi, mes souliers"
Leclerc, poète francophone
Félix Leclerc est un créateur qui s'est distingué dans la chanson, la comédie, l'écriture de textes et l'animation radiophonique. Tout ça a commencé en 1937. Francophone convaincu il lit sur les ondes des contes de la nature si prisés par les habitants du Québec. Retiré à L'île d'Orléans il écrit un roman "Le fou de l'île" et un récit "Pieds nus dans l'aube".
Comédien dans la troupe "Les compagnons de Saint Laurent", il joue dans des pièces de Molière, et crée une troupe "La compagnie VLM". Il publie ensuite "Dialogues d'hommes et de bêtes" et commence une carrière de chansonnier au succès incertain.
"Francis"
En 1950 l'impresario Jacques Canetti lui propose un contrat à la maison Polydor. Il passe à l'ABC accompagné de sa seule guitare, puis pendant 14 mois au "Trois Baudets", s'en suivent des tournées en France, en Europe et ailleurs. Son premier album est couronné par un grand prix à l'académie Charles-Cros. En 1966, Félix Leclerc a des relations difficiles avec la presse québécoise, il quitte son pays pour s'installer en Suisse, fait des tournée à Paris et en Europe et se réinstalle au Québec en 1970
"Contumace"
Félix Leclerc devient alors un partisan de l'indépendance du Québec. Il reçoit un prix de l'Académie Charles Cros pour l'ensemble de son œuvre. En 1974, Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois, donnent un récital "Superfrancofête" à Québec, un album de légende y est enregistré "J'ai vu le loup, le renard, le lion". En 1975 il chante avec Claude Léveillée, l'auteur de la chanson "Frédéric".
Puis en 1978 il enregistre un album intitulé "Mon fils" qui fait figure de testament musical. Félix Leclerc a reçu de nombreux prix lors de sa carrière, à l'époque où était reconnue la qualité alors qu'à l'heure actuelle, tout s'achète et tout se vend au détriment de la qualité. Le tiroir-caisse résonne plus que la poésie, la quantité de CD vendue est un indicateur de tendance, en fait on se fout du contenu, pourvu que ça marche.
En 1980 Félix Leclerc s'installe en retraité dans l'île d'Orléans mais continue toutefois à écrire et à publier. Félix Leclerc s'éteint en 1988, laissant un œuvre considérable de chansons, d'essais, de recueil de poèmes, de maximes philosophiques.
La Tuque, le 2 août 1914 - L'Île d'Orléans, le 8 août 1988) Né à La Tuque, en haute Mauricie, Félix Leclerc est le sixième d'une famille de onze enfants. Son père, Léo Leclerc, est considéré comme "le gros commerçant de bois de la Vallée", un "faiseux de villages". Félix hérite de sa mère son art de vivre ainsi que le goût de la musique. Après une enfance heureuse, il débute ses études classiques à Ottawa en 1928, au Junoriat du Sacré-Coeur à Ottawa et à l'Université d'Ottawa, en belles-lettres et rhétorique. Durant la tragique crise économique en 1932, il doit les interrompre, faute d'argent.
Poète, conteur, fabuliste, auteur dramatique et pionnier des chansonniers québécois. Il devient annonceur de radio à Québec en 1934, et à Trois-Rivières en 1938. C'est à cette époque qu'il fait ses premières expériences en tant qu'auteur radiophonique. Il entre en 1939 à Radio-Canada, où il travaille comme comédien dans les émissions "Vie de famille" et "Un homme et son péché". Devenu membre des Compagnons de Saint-Laurent, il écrit également des textes pour les séries "Je me souviens" (1941), "L'Encan des rêves" (1945), "Théâtre dans ma guitare" et "La ruelle aux songes" (1946). Le 29 décembre 1950, il fait ses débuts comme chansonnier au Théâtre de l'ABC à Paris. Sa carrière musicale ne cessera d'être ponctuée de succès. Chansonnier prolifique et écrivain populaire dont les écrits témoignent de son attachement à sa terre natale, Félix Leclerc revient au Québec en 1953 et continue à publier et à écrire pour la radio et le théâtre.
En 1970, il s’installe définitivement à l’Ile d’Orléans, près de Québec. Secoué par les événements qui se déroulent il publie des chansons et autres textes de plus en plus engagés politiquement. Ses disques "L’alouette en colère", "Le tour de l’Île" et "Mon fils" sont les jalons de cette prise de position indépendantiste. En 1978, il prépare Le petit livre bleu de Félix ou Le nouveau calepin du même flâneur et Rêves à vendre, deux recueils de pensées, maximes et courts récits dans la même veine que Le calepin d’un flâneur publié en 1961. Il meurt subitement le 8 août 1988.
Félix Leclerc a vu son oeuvre couronnée par de nombreuses récompenses : le Prix de L'Académie Charles Cros en 1951, 1958 et 1973, Le Prix Calixa-Lavallée et la Médaille Bene Merenti de Patria de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal en 1976 et le Prix Denise-Pelletier en 1977. En 1980, il recevait un doctorat honoris causa de l'Université du Québec et, en 1987, la Médaille de l'Académie des lettres du Québec. Il était aussi membre d'honneur de l'Union des écrivains québécois.
Notez que L'Espace Félix-Leclerc a ouvert ses portes le 24 juin 2002. Il est situé au 682, Chemin Royal, à St-Pierre-de-l'île-d'Orléans, Québec. Il comporte une exposition permanente dédiée à la vie et l'oeuvre de Félix, une exposition temporaire sur un(e) artiste s'étant illustré(e) dans la francophonie, une boîte à chanson et une boutique. Des activités, des visites guidées et des ateliers y sont également offerts.
A la fois auteur radiophonique, conteur, poète, dramaturge et chansonnier, Félix Leclerc, de par l'amplitude et la profondeur de son talent, est devenu l'un de nos plus "grands" artistes québécois.
Né à La Tuque, en haute Mauricie, il est le sixième d'une famille de onze enfants. Son père, Léo Leclerc, est considéré comme "le gros commerçant de bois de la Vallée", un "faiseux de villages". Félix hérite de sa mère son art de vivre ainsi que le goût de la musique. Après une enfance heureuse, il débute ses études classiques à Ottawa en 1928. Durant la tragique crise économique en 1932, il a dû les interrompre, faute d'argent.
Il devient annonceur à la radio de Québec, puis de Trois-Rivières de 1934 à 1937. Et de 1939 à 1945, Félix agit comme comédien mais surtout comme écrivain à Radio-Canada. Devenu membre des compagnons de Saint-Laurent, il écrit également des textes pour des séries radiophoniques. La première série, composée de 38 émissions, s'intitule: "Je me souviens", la devise du Québec, et met en valeur les vieilles traditions et les problèmes sociaux du temps. Les trois recueils qui contiennent la plupart des textes radiodiffusés paraissent en moins de deux ans , soit en 1943 et 1944, dans ADAGIO, un recueil de contes d'inspiration paysanne , ALLEGRO, un livre de fables, où l'auteur, par les animaux, prêche les grandes lois de la vie, et ANDANTE, tout proche du théâtre, un hymne à la vie.
Félix témoigne d'un authentique don d'écrivain populaire. La nature, le rêve, la vie, la solitude, la mort, l'amour, le pays, voilà les principaux thèmes de ses chansons, de sa poésie et de ses créations théâtrales. Toute son oeuvre, à partir de sa première chanson "Notre sentier" interprétée sur les ondes de Radio-Canada en 1939, s'identifie aux gens simples et laborieux.Son langage, ses images, la nostalgie de ses chansons, le monde populaire qu'il chante avec l'art d'un troubadour, autant de points qui sont à l'origine de sa popularité. Parlant de popularité, il faut souligner que c'est Jacques Canetti, un Français, à la fois directeur d'un théâtre parisien, impressario et directeur artistique chez Polydor qui nous a fait découvrir ce grand talent de chez nous. À Paris, son triomphe est immédiat. Il est consacré vedette française lors de son premier tour de chant à l'ABC de Paris en 1950. Et, il reçoit en 1951, en 1958, puis en 1973, le Grand Prix du Disque de l'Académie Charles-Cros. En France, c'est la plus haute récompense qu'un chanteur puisse recevoir.
Après plusieurs années passées en France, Félix revient au Québec en 1953, vit une dizaine d'années à Vaudreuil avant de s'installer définitivement à l'Ile d'Orléans. Il continue à écrire et à publier pour la radio et le théâtre tout en donnant récitals et spectacles. Le public s'enchante de plus en plus et proclame Félix le grand troubadour.
Dans ses contes et ses chansons, Félix parle sans cesse des valeurs qui nous habitent, mais qu'il voudrait voir grandir davantage en chacun de nous: le courage, la détermination, l'indépendance, la liberté. De par son amour du pays , "Je n'ai pas vu toutes les merveilles du monde, mais j'ai vu la plus belle et c'est mon pays" et son engagement sans équivoque, Félix a été notre conscience nationale, un artiste indispensable pour la suite du monde, le père de la chanson québécoise. Devenu universel à force d'être lui-même, il a mis le Québec sur la carte du monde. Il n'est pas surprenant qu'il recoive plusieurs mentions honorifiques ; en voici quelques-unes: le prix Calixa-Lavallée de la Société St-Jean-Baptiste de Montréal en 1975 et la médaille Bene Merenti de Patria. Il est lauréat du premier prix Denise-Pelletier, décerné par le gouvernement du Québec, en 1977, pour l'ensemble de son oeuvre théâtrale. Et en 1979, il accepte de prêter son prénom aux trophées remis annuellement par l'ADISQ. Il reçoit, lors de ce premier gala, le trophée témoignages de l'ADISQ ( Association du disque et de l'industrie du spectacle québécois).
On comprend alors que sa mort, survenue à sa demeure de l'île d'Orléans le 8 août 1988, soit suivie d'un deuil général. Sa famille reçoit des témoignages d'amitié, d'amour, d'admiration de partout. Carol Néron, dans le Quotidien de Chicoutimi:" Leclerc aura été à notre culture ce que René Lévesque fut à la politique. Avec sa pensée originale, Félix a proposé une démarche qui a contribué à faire de lui une légende vivante. Il a donné au Québec une identité qui lui est désormais propre, une présence internationale que personne encore, chez nous, n'est parvenu à égaler de manière aussi éclatante et subtile à la fois." Pour signifier sa reconnaissance envers cet artiste "sans pareil", le Québec tout entier cherche à immortaliser son nom de différentes façons:
Adagio (contes) 1943
Allegro (fables) 1944
Andante (poèmes) 1944
Pieds nus dans l'aube (roman) 1946
Dialogues d'hommes et de bêtes (théâtre) 1949
Les chansons de Félix Leclerc, le Canadien (chansons) 1950
Théâtre du village (théâtre) 1951
Le hamac dans les voiles (contes) 1951
Moi, mes souliers...
Journal d'un lièvre à deux pattes (roman) 1955
Le fou de l'île (roman) 1958
12 chansons de Félix Leclerc (chansons) 1958
Le p'tit bonheur (théâtre), 1959
Sonez les matines (comédie théâtrale) 1959
Le calepin d'un flâneur (maximes) 1961
L'auberge des morts subites (comédie théâtrale) 1964
Chanson pour tes yeux (poésie) 1968
Carcajou ou Le diable des bois (roman) 1976
L'ancêtre (poésie) 1974
Bonjour de l'île (poésie) 1975
Qui est le père? (théâtre) 1977
Un matin (poésie) 1977
Le petit livre de Félix ou Nouveau Calepin d'un même flâneur (maximes) 1978
L'avare et le violon magique (contes) 1980
Rêves à vendre ou Troisième Calepin d'un même flâneur (maximes) 1984
Dernier calepin (maximes) 1988
Discographie (partielle)
1957 : Félix Leclerc chante
1958 : Félix Leclerc et sa guitare, vol. 1
1959 : Félix Leclerc et sa guitare, vol. 2
1959 : Félix Leclerc et sa guitare, vol. 3
1962 : Le Roi heureux
1964 : Félix Leclerc
1964 : Mes premières chansons
1966 : Moi mes chansons
1967 : La Vie
1968 : L'Héritage
1969 : Félix Leclerc dit pieds nus dans l'aube
1969 : J'inviterai l'enfance
1973 : L'alouette en colère
1974 : J'ai vu le loup, le renard, le lion, avec Gilles Vigneault et Robert Charlebois
1975 : La tour de l'île
1978 : Mon fils
1979 : Chanson dans la mémoire longtemps
Gaston Couté était fils d'un meunier. Il quitta l'école, qu'il s'était mis à détester à l'adolescence, avant le baccalauréat. Il fut alors commis auxiliaire à la Recette Générale des impôts d'Orléans, puis travailla pour un journal local, Le Progrès du Loiret. Il commença à publier ses poèmes dans des feuilles locales, et à en composer en patois. Il les fit entendre à une tournée d'artistes parisiens de passage. Ayant reçu quelques encouragements, il se décida, en 1898, à monter à Paris. Il avait dix-huit ans.
Après quelques années de vaches très maigres, il y obtint un certain succès à réciter ses poèmes dans les cabarets. Il collabora à la revue La Bonne chanson de Théodore Botrel. On peut dire qu'il représentait une version rurale de Jehan-Rictus, lequel l'avait aidé à ses débuts. Il écrivait également des chansons d'actualités pour des journaux anarchistes La Barricade et surtout La Guerre Sociale.
La fin de sa vie allait lui être difficile : la tuberculose, l'absinthe, la privation (l'approche de la guerre qui favorisait les chansonniers cocardiers au détriment des anarchistes). Il mourut vingt-quatre heures après avoir été conduit à l'hôpital Lariboisière.
« Après sa mort à l'hôpital, derrière le corbillard que suivaient quelques écrivains amis, le vieux père de Couté était en tête, vêtu de sa blouse de meunier, appuyé sur un bâton. Il regarda le cercueil que l'on recouvrait de terre et s'écria : “T'as voulu v'nir à Paris. Eh ben, t'y v'la !” »
(Michel Ragon, Histoire de la littérature prolétarienne)(hélas une légende qui a la vie dure...)
Les poèmes de Gaston Couté ont depuis régulièrement été mis à l'honneur : disques et spectacles (Gérard Pierron, Bernard Meulien, Claude Antonini, Compagnie Grizzli, Compagnie Philibert Tambour, Le P'tit Crème, Hélène Maurice...) et quelques interprètes de marque : (Édith Piaf, Bernard Lavilliers), rééditions, sites web... Certains groupes de musique contemporaine (rap, électro, techno) et hip-hop comme jazzkor , et les 1871 ont aussi repris dans son répertoire .
Voilà encore des gars qui font reluire le Gaston comme un sou neuf… Ça swingue, ça balance, un peu manouche, un peu musette. Un beau p'tit n'accordéon, la belle guitare et la voix de Jean Foulon et les autres derrière, François , Bruno, Michel et Cédric, tous derrière, mais bien présents ! Des musiques à eux, quelques reprises, mais tellement lointaines des originales, totalement "digérées".
Et puis ces gars généreux accordent quatre plages de leur CD pour quatre textes dits par Bernard, celui dont Claude Duneton parle dans son livre "La mort du français" comme d'un "paysan qui dit Couté comme un prince"…
LES ELECTEURS :
Les conscrits
La paysanne
Les électeurs (texte dit par B. Gainier)
Le petit qui pleure
Le patois de chez nous
Le foin qui presse (texte dit par B. Gainier)
La Julie jolie
Va danser (musique de M. Legay)
Le gas qu'a perdu l'esprit (musique G. Pierron)
Le christ en bois (texte dit par B. Gainier)
En revenant du bal
Le charretier (texte dit par B. Gainier)
Les cailloux (musique G. Pierron)
Leurs "Conscrits" sont un peu manouches, même beaucoup, et on a presque envie de les suivre au pas, ces cons-là (je parle des conscrits)…
Encore la belle guitare de Jean Foulon sur la "Paysanne", terriblement actuelle :
Et méprisons la gloire immonde
Des héros couverts de lauriers :
Ces assassins, ces flibustiers
Qui terrorisèrent le monde !
Une chanson à faire chanter par le public… qui pourrait bien remplacer les Mangeux d' terre qu'on chante habituellement à la fin des soirées Couté.
Avec le "Petit qui pleure" ils ont choisi un texte moins connu pour en faire une jolie ballade mélancolique.
Leur "Patois" de chez eux balance aussi pas mal… et la voix de Jean Foulon est claire et nette : on n'en perd pas une bouchée, on entend les textes !
Ils reprennent aussi deux tubs de Gaston, chantés autrefois par Edith Piaf : la "Julie jolie" et "Va danser". La Julie jolie sur une musique à eux, Va danser sur la musique de Marcel Legay chantée par Jean avec sa seule guitare.
Puis le très beau "gas qu'a perdu l'esprit", un des grands moments de l'album !
Avec "En revenant du bal", autre merveille, très swing, très rapide… Merde ! C'est beau…
Et puis les "Cailloux", plus classique, moins innovant, mais toujours très beau...
Ils laissent quatre textes à l'agriculturé de Meung : Les "Electeurs" (qui est le titre de l'album… bizarre ?), "Le foin qui presse", "Le christ en bois" et "Le Charretier". De la belle ouvrage de bon paysan ! Bernard dit Couté, comme il respire…
Fondé en 1992, ce groupe orléanais mêle chant, mandoline, basse, accordéon, guitare et percussions. Il joue du blues, du country et du folk, en interprétant le poète bauceron Gaston Couté.
Animés par la passion de la musique, cinq copains saranais ont décidé de créer, en 1992, un orchestre associatif: " Le P'tit Crème ".Jean, "le gaucher", guitariste chanteur, François, bassiste, Bruno, guitariste joueur de mandoline et Dominique, percussionniste, se retrouvent à l'époque autour de Rachel, la chanteuse du groupe, pour interpréter "un peu de tout", comme ils disent. Mais le groupe a aussi ses créations, qu'il mêle aux standards folk de la chanson française.
Un répertoire varié très cosmopolite, présenté lors des fêtes populaires saranaises et des villes environnantes-Ils sont alors remarqués pour la première fois à la fête de la CGT en 1993 par Claude Antonini, actrice et chanteuse, qui leur offrira la première partie de son spectacle à la salle de l'Institut.
" Un souvenir mémorable " selon le groupe, mais aussi un déclic, puisqu'ils décident, dès lors, de chanter du Gaston Couté. Le succès ne se fait pas attendre, malheureusement sans Rachel qui, pour des raisons professionnelles, doit quitter le groupe.
En bref, une histoire de copains qui se poursuit aujourd'hui par la création d'un premier CD (disponible à l'adresse ci-dessus contre un chèque de 105 F à l'ordre du P'tit Crème). Un album d'une quinzaine de titres, qui reprend avec émotion, les superbes textes engagés, d'un poète souvent incompris dans notre région.
Les musiciens du " P'tit Crème " aimeraient bien lui lancer un autre clin d'œil en interprétant ce répertoire dans sa ville natale de Meung-sur-Loire.
LA REPUBLIQUE DU CENTRE – 20 JUILLET 1998
Dimanche 15 octobre 2000 – Bibliothèque d'Auxerre
Ils avaient fait ça bien à la bibliothèque d'Auxerre! Partout sur les murs, sur les vitres et même sur l'ordinateur qui gère les prêts, l'affiche rouge du P'tit Crème avec un énorme Gaston buvant son café… Pas mal ! Ils auraient pu faire de cette journée du livre une journée Prévert comme tout le monde. Non ! Couté… Et pourtant ici, il y en a des clochers. A première vue, c'est pas des anars dans le coin ! D'ailleurs, la bibliothèque municipale ressemble à une église laïque, mais sans clocher ni cloches à l'intérieur…
Le spectacle était à 15h30… dans l'auditorium ! Oui, l'auditorium… Si Couté avait su qu'un jour il aurait sa place dans un auditorium, il ne serait pas monté à Paris, il serait venu à Auxerre… comme entraîneur de foot peut-être. Parce que, quand même, il y avait foot ce jour-là : la Bourgogne allait se taper sur la gueule avec le Bordelais. Et les affiches du match étaient encore plus grandes que celles de Couté et puis ils en avaient mis partout ! Gaston allait avoir la partie difficile !
Et finalement, non ! L'auditorium était plein… Il y avait au premier rang trois dames d'un âge respectable qui avaient dû se dire que le P'tit Crème ça devait être un thé dansant ou un goûter. Dans le fond, habillés tout en sport avec la casquette de rappeur, étaient assis quatre petits beurs (je ne savais même pas qu'il y avait une banlieue en Bourgogne) : Nick Gaston, ça sonne un peu la zone ! "Il a soupé du louép de su' le tenv' à la rètte..." Il y avait même le pharmacien d'Auxerre, avec sa femme et ses deux fils, aussi mon beau-frère, ma belle-sœur et mes neveux. Bref ! Il était plein comme un œuf, l'auditorium…
Et en face, les gars du P'tit Crème avec tous leurs instruments. De gauche à droite, Michel Monnier à l'accordéon,François Gerbel à la basse, Cédric Vingerber à la batterie (plutôt un ensemble de gamelles en cuivre et de poêles à frire), sur le devant de la scène la guitare et le tabouret de Jean Foulon,le chanteur, et enfin Bruno Méranger à la guitare électrique près de la mandoline. Plus loin, dans un coin, Bernard Gainier, qui avait déserté ses bords de Loire pour les bords de l'Yonne. Les gars étaient un peu tendus quand même, pas trop tournés vers la contrepèterie pour le quart d'heure…
La presse locale, barbichette en bandoulière, fit son entrée et nous photographia. Deux flashes ! Je me demande à chaque fois pourquoi la presse locale, toujours libérée et/ou républicaine, prend des photos des spectateurs… J'imagine la tronche de mon beau-frère quand il va se voir dans le journal. Alors, Monsieur écoute du Couté ? Monsieur ne va pas au football ? Dur à gérer, tout ça… Moi, je m'en fous : je n'habite pas là-bas…
Et puis, Hélène de la bibliothèque a introduit (c'est comme ça qu'on dit ?) le P'tit Crème. Et Bernard s'est levé, nous a dit qu'il se demandait bien ce qu'il était venu faire si loin de ses poules et ses canards. Il nous cita du Dimey !!! Du Dimey qui parlait de Couté :
"J'entend les violons... T'en souviens-tu, Marie?
Va danser...Taisons nous pour mieux les écouter.
Allons rue St Vincent...Je t'aime bien, Marie...
Puis nous remonterons la rue Gaston Couté."
Et nous eûmes pour commencer "La dernière bouteille"… Je ne le répèterai pas à chaque fois, mais la prestation fut très bonne, la musique très belle, avec des adaptations très personnelles (des musiques de Gérard Pierron ou Marc Robine), mais surout des musiques originales… et le public fut excellent. Un p'tit coup de jeune au Gaston, ça ne fait pas d' mal ! Ce fut ensuite "Le gars qu'a perdu l'esprit". Et là, les p'tits beurs se levèrent… J'ai eu envie de leur dire :"Restez et écoutez ! Gaston , c'est le grand père de tous vos Stumy, MC et compagnie ! C'est un rappeur ! Il se sert de sa langue pour dénoncer…" François, à la basse, les a regardés en souriant. Et moi je n'ai rien dit…
Bernard, qui en plus d'être agriculteur et parfois consultant sur France-Culture, est aussi historien et géographe, nous expliqua qu'au moment de la Commune les Versaillais avaient été obligés de réquisitionner des terrains pour pouvoir en faire des cimetières et ainsi faire face à la demande, et notamment des terres appelées "champs de navets", qui arrivés en Beauce étaient devenus le "Champ de naviots"… D'où le titre de la chanson bien connue… qui n'est pas le "chant de naviots", comme ertains l'ont cru ! Puis il nous expliqua – mais là je doute quand même… - que le Missouri et le Mississipi étaient des affluents des Mauves, que les champs de blé qu'on voit près d'Orléans sont en fait des champs de coton et que la version blues du "Déraillement" était la version d'origine que Couté aurait chantée ! Pas sûr ?
Pour nous convaincre, il enchaîna avec "Le gars qu'a mal tourné" et "L'odeur du fumier", s'accompagnant uniquement de son patois et du sourire narquois qui fleurit sous sa fine moustache de mousquetaire. C'était parti ! Il avait conquis les trois dames respectables du premier rang, qui avaient déjà oublié leur thé dansant…
Les P'tit Crème revinrent pour "La complainte des Terr' Neuvas", "La Toinon", "L'amour anarchiste" et une petite nouvelle, toute mignonne et bien faite, "En revenant du bal". Ensuite, Jean, seul à la guitare, nous fit un très émouvant "Ramasseux d' morts".
Ils redonnèrent alors la parole au barde gaulois qui se lança dans "Les Gourgandines". Quelle entreprise ! Près de cent vers à balancer comme ça… Il faillit même se planter "au mitan du frayé", mais une des dames respectables le ramassa en lui soufflant… les quelques mots qui le firent repartir. Attention, Bernard ! On ne rigole plus : des spécialistes sont dans la salle !
Et encore des chansons, qui swinguent et balancent, des blues musette : l'accordéon qui danse, la guitare qui pleure, la mandoline qui rigole ! Très chouette ! Vous auriez dû venir… J'ai attendu mon ami du Québec jusqu'à 10 heures du matin… et puis j'y suis allé sans lui ! Il aurait pu entendre "Après Vendanges", "A l'auberge de la route", "Le fondeur de canons", "Sur la grand ' route" et la "La Julie jolie", encore plus jolie que d'habitude, une nouvelle Julie, pas triste, plutôt java… "La Julie jolie, tsoin, tsoin !" Pas mal ? Plutôt bien même. Vous auriez dû venir…
Pour répondre aux demandes de son fan club, les trois gourgandines du premier rang, Bernard nous dit "Monsieur Imbu" et "Les conscrits"…
La prochaine fois, on aura droit à une version chantée des Conscrits, mais elle est encore en préparation : elle était encore un peu trop jeune, mais en mars elle sera à point. Et pour finir, une très belle version des "Cailloux" sur une musique de Gérard Pierron…
Mais… il y a toujours un mais… Dans le public, quelqu'un aurait aimé entendre autre chose… Non, pas "Les conscrits", pas "L'idylle des grands gars..." Non ! Autre chose… Bernard chantant comme Freddy Mercury (il en a déjà la moustache) "We are the champions" avec l'accent de Meung-sur-Loire… Mais ce sera pour une autre fois !
Salut ! Vous auriez dû venir… d'autant que Bordeaux a battu Auxerre...
Père « de tous les Brassens »
Gaston Couté est né à Beaugency dans le Loiret, le 23 septembre 1880, puis habitant dès 1882 à Meung sur Loire " le méchant bourg de trois mille âmes...". Son père était meunier au Moulin de Clan, au hameau de Roudon.
Certificat d'études primaire à 11 ans, puis lycée Pothier à Orléans, (où il connaîtra Pierre Dumarchey, futur Pierre Mac Orlan), lycée qu'il quittera à 17 ans pour travailler à la recette générale d'Orléans. Mais il ne se sent pas fait pour cette vie-là !
Dès son plus jeune âge, il est confronté aux règles, coutumes, traditions et rapports de force d'une société rurale cramponnée à sa terre et à ses valeurs ancestrales, au premier desquelles la religion, fonctionnant sur une organisation sociale et des rapports de classe quasi féodaux.
Adolescent, il commence à écrire ses premiers poèmes, dans lesquels il porte un jugement sans complaisance sur le monde paysan qui l'entoure. Pour s'exprimer, il emploi le patois beauceron, il célèbre tout ce qui touche la nature avec ses beautés et ses bienfaits, tout en dénonçant avec force les riches fermiers qui exploitent les journaliers. Il fustige également les hypocrisies sociales et les faux bons sentiments...
1898 : devenu reporter au " Progrès du Loiret ", il publie ses premiers poèmes dont " Le champ de Naviots ". En Octobre de cette même année, il monte à Paris : premiers cabarets Boulevard Rochechouard, puis " L'Ane Rouge " avenue Trudaine et " Les Noctambules " où il rencontre Jehan Rictus, l'auteur des " Soliloques du pauvre ". D’autres célèbres cabarets Montmartrois l’accueilleront, " Les Funambules "," Le Carillon " etc… Avant de connaître le succès, l’un de ses premiers cachets artistiques fut pourtant... Un p’ tit crème !!!
Eté 1899 : voyage à pied avec Maurice Lucas de Paris à Gargilesse (36) pour répondre à l’invitation de Gabriel Lion et de Claude Jamet, artistes en ce village... Itinéraire passant par Orléans, Blois, Cour-Cheverny, Romorantin, Mennetou, Vierzon, Mehun sur Yèvre, Bourges, St Florent, Issoudun, Châteauroux et enfin Gargilesse, puis retour à Paris. Au cours de cette équipée, Couté déclame ses textes, le soir, tandis que Lucas exécute sur le vif des pastels qui sont vendus au cours d’une tombola.
A Châteauroux, ils sont accueillis au Pierrot Noir, cabaret renommé à l’époque, et le texte des Conscrits naîtra vraisemblablement à Déols, où il provoquera d’ailleurs quelques incidents, d’après les souvenirs de Maurice Brimbal, du Pierrot Noir.
1899 -1900 : il n'a pas vingt ans et il écrit ses plus beaux poèmes dont L'Ecole, Le Christ en bois, Les Gourgandines. Il prend souvent alors le pseudonyme de Pierre Printemps ou de Gaston Koutay.
1902 : période de succès dans les cabarets. Il rencontre notamment Poulbo, Modigliani, Picasso, etc... au " Lapin Agile ", l’un des plus célèbres cabarets Montmartrois.
1910 : il collabore aux revues "la Barricade" et "La Guerre Sociale" avec des chansons d'actualité.
28 Juin 1911 : décès à l'hôpital Lariboisière, d'une phtisie galopante - tuberculose - qui l’emporte en quelques jours. Il avait 31 ans.
En 1916, un "poilu" de la guerre 14-18, jeune professeur de lettres, Romain Guignard, natif de la région d’Issoudun, s’efforce de retrouver l’œuvre du Poète, dont il a découvert les textes, dans les tranchées, dits par un soldat ! Dès lors, sa vie durant, il n’aura de cesse de les mieux faire connaître.
En 1928 les textes sont regroupés et édités sous le titre :
" La Chanson d'un Gâs qu'a mal tourné "
1957 : A deux pas du Lapin Agile, à Montmartre, une rue est inaugurée Rue Gaston Couté.
Années 1970 : Vania ADRIENSSENS, Bernard MEULIEN et Gérard PIERRON ainsi que les Editions" Le Vent du Ch'min " nous font redécouvrir ce poète du Terroir. De nombreux interprètes les suivront, en ces Ch’ mins de Traverse, chacun ayant à cœur de mieux faire connaître la poésie de Gaston COUTE.
Début de XXIème siècle : C'est plus d'une quarantaine d'interprètes que compte dorénavant l'œuvre de Gaston Couté… Dans la lignée des Vania, Bernard et Gérard, ces interprètes se sont investis pour faire connaître ou découvrir au grand public cette poésie, toujours actuelle et vivante, en ce début de 21ème siècle. Nul doute que l'œuvre poétique de Gaston Couté a encore de beaux jours devant elle.
Gaston Couté (1880-1911)
Il est sûrement parmi tous les poètes que Gérard Pierron a chanté, celui qui prend la place la plus importante dans sa carrière de mélodiste et de chanteur.
Entre 1969 et 1999, c'est plus de trente textes de Gaston Couté
que Gérard a mis en musique et interprète dans ses spectacles.
Gérard et Gaston Couté
En février mars 1978, Michel Rebourg faisait paraître dans le quotidien "La République du Centre" une série d'articles intitulée "Sur les traces de Gaston Couté". En voici ici deux extraits.
Le premier relate sa visite à Meung-sur-Loire et sa rencontre avec les "amis" de Gaston Couté et le second rapporte une soirée spectacle avec Gérard Pierron.
"Comment es-tu venu à lire, à interpréter Gaston Couté ?
Gérard Pierron : J'étais à l'époque à Montmartre (1967) et un copain m'avait invité à prendre un pot chez lui. On a écouté un disque réunissant des chansons, des poésies de " poètes maudits " et parmi celles-ci je remarquai " Jour de lessive " interprétée par Pierre Brasseur.
Chanson dont je me souvins deux ans après qui me revenait à l'esprit et qui me donna l'envie de mieux connaître Couté.
J'allai donc faire le tour des bouquinistes en demandant à l'un, à l'autre, s'il ne connaissait pas l'auteur de ce poème. Quelques-uns me répondirent Jacques Prévert (effectivement, il y a un texte de Prévert qui porte ce titre). Et enfin on me répondit : " cela doit être Prévert ou Couté ; en effet je connais bien, j'ai un livre sur sa vie et je vends également des volumes du " Gâs qu'a mal tourné". C'était Louis Lanoizelée.
Des mélodies se bousculaient ma tète, j'en montre deux à Léonardi et Monique Morelli, interprète de Couté, puis le silence pendant cinq ans.
En 1990, l'éditeur Christian Pirot a publié "Gaston Couté, les mangeux d' terre" avec un avant-propos de Gérard Pierron :
Aujourd'hui, nous avons occupé - mon ami Édouard Dupain et moi - des positions élevées. Nous avons travaillé sur le toit. Maintenant, nous nous réchaufTons près de la cheminée où se consument chevrons pourris et lattes.
Le charpentier couvreur lit à haute voix un poème de Gaston Couté avec son accent morvandiau. Avec lui " L'école " devient " L'instruisou". J'adore.
La radio parle de l'assassinat de Malik. De ce trop de cynisme, on n'en peut plus. Nous avons compris depuis belle lurette que les chants révolutionnaires ne marchent qu'à trois cents mètres par seconde. Et le chemin est long à parcourir, Édouard Dupain semble satisfait de sa lecture. Il n'est pas homme à s'emballer. L'emploi des superlatifs, c'est pas son truc. Il se gratte le dos avec l'extrémité de son mètre à ruban et dit tout simplement : " C'est un fort".
" Gaston, tu m'as fait gagner ma vie ces dernières années. Grâce à toi j'ai parcouru toute la France profonde et j'ai trouvé bien du chang'ment depuis ton passage."
Mais tu sais, en 1989, il y a encore des p'tits vins qui se laissent boire... Tu aimeras celui de ton cadet de deux ans, Eugène Bizeau, le chansonnier de Véretz. C'est un p'tit blanc des côtes du Cher, très bien vers onze heures du matin ".
Bientôt l'Océane annonce de ses grands panneaux " Viaduc des Mauves ". Nous sommes en Beauce, à 136 kilomètres de Paris, un peu avant Meung-sur-Loire. Le moulin de Clan où Gaston Couté passa son enfance avant 1900 est bien là debout... tout frais recrépi. Ami automobiliste, quand tu auras franchi les Mauves, ces petits ruisseaux aux bords desquels flânait un gamin-poète, lève ton chapeau ! Le chemin que tu viens de faire à 130 à l'heure, il l'a fait à pied." Le P'tit Crème est un groupe musical orléanais fondé en 1992 et interprétant de la chanson française, notamment sur des textes du poète beauceron Gaston Couté.
Le P'tit Crème est un groupe musical orléanais fondé en 1992 et interprétant de la chanson française, notamment sur des textes du poète beauceron Gaston Couté.
Une belle illustration de l’œuvre de Gaston Couté. Excepté deux morceaux signés de Gérard Pierron (« Les cailloux », « Le gas qu’a perdu l’esprit »), le reste des musiques est signé de ce groupe et sonne avec justesse, entre guitares folks et accordéon. A noter la présence sur ce disque de Bernard Gainier, paysan beauceron, pour quelques textes dits avec truculence dans le patois de ce terroir (« Les électeurs », « Le christ en bois »…). Pour la modernité sans cesse retrouvée de Gaston Couté !
Le P'tit Crème
chante
Gaston Couté
Le nouveau CD du P'tit Crème " Les électeurs "
disponible depuis le 22 Mars 2002
Gaston Couté
(1880-1911)
Qu'est-ce qui peut bien valoir à Gaston Couté mort en 1911 à l'age de 31 ans, une audience que bien d'autres poètes ont perdue?...
La réponse est dans les textes. Lisez quelques uns d'entre eux qui se trouvent sur une autre page de ce site et comparez deux époques. Jugez s'il y a quelques chose de changé fondamentalement dans la société. N'est-elle pas sur ses bases, en 1997, telle qu'elle était en 1900?
L'injustice, l'hypocrisie, la veulerie, la couardise, le nationalisme, la connerie..., autant de maux qui nous sont familiers et d'attitudes qui nous habitent parfois («parfois» pour ménager les susceptibilités).
Le P'tit Crème 2002
1990, Bruno, François et Jean, 3 copains des environs d'Orléans, passionnés de musique décident de consacrer un peu de leur temps à mettre en musique certains des poèmes de Gaston Couté.
Au fil du temps de nombreux amis de Gaston Couté les rejoignirent.
On attend beaucoup de monde samedi 22 et dimanche 23 septembre pour le deuxième festival consacré à Gaston Couté, chansonnier montmartrois, organisé par la municipalité de Meung-sur-Loire, ville où il a vécu toute sa jeunesse...Tout un programme est proposé autour du « gars qu’a mal tourné », une nouvelle exposition, en place jusqu’au 30 septembre, en plus de la permanente, au musée de « la Monnaye », salle Eric Doligé. Charlène Gilbert, la conservatrice, y a recueilli plus de 250 documents, panneaux de l’éditeur de l’époque, textes et manuscrits, journaux, cartes postales, photos. C’est le seul musée français consacré à ce poète de la terre, né à Beaugency en 1880 et mort à 30 ans, qui a écrit plus de 300 textes, parfois très « libertaires ». Samedi à 16 h30, projection d’un film, au théâtre de « La Fabrique » , « La belle époque de Gaston Couté », réalisé par Philippe Pilard,(il est conseillé de réserver rapidement), suivi par une soirée Cabaret de 19h à …2h du matin ! Le tout sous la houlette de Claude Antonini avec 18 interprètes de Couté, à la salle des fêtes. Dimanche est prévue une scène ouverte, animée par Vania Adrian Sens et son orgue de barbarie, au marché, place du Martroi. Chacun pourra y interpréter les textes de son choix ! Un concert d’1h 30 environ, lui succèdera, à 15 h, cette fois avec le groupe saranais « Le P’tit Crème », au théatre « La Fabrique ». Rendez-vous à Meung, pour fredonner les airs de la belle époque de Couté ! A.P. Film 3 €, soirée cabaret 15 € (tarif réduit 10 €) et concert « le P’tit Crème » à 10€. Réservations au 02 38 44 32 28 à l’Office du tourisme de Meung-sur- Loire.
On a coutume de représenter Gaston Couté en « poète paysan », c'est un raccourci facile. Il n'est sans doute pas plus paysan que vigneron, il n'a pas davantage touché au manchon de la charrue qu'au sécateur ! Mais il a su peindre avec talent les gens de la campagne, les petits comme les gros, les pauvres et les puissants, les gens de la moisson comme ceux de la vendange.
Cependant, à la lecture de son oeuvre, on a le sentiment que, sur son chemin de traîneux, la vigne et le vin l'accompagnent de bien plus près que la terre et le blé. A la rudesse des mangeux d'terre , Couté préfèrera souvent la chimère des amis de la vigne. Pour lutter contre la faim qui le taraude, il privilégiera le jus de la treille : le blé reste pour lui synonyme de cupidité et d'avarice, de « l'avoir » qu'on ne partage pas, alors que le vin saura lui couper la soif, lui permettra de voir la vie meilleure, lui fera croire au « partage » sans lendemain et lui donnera l'illusion d'être à sa place dans une époque pas aussi belle qu'on le dit.
Avec le vin, il essaiera vainement d'aphysquer ses idé's rouges, ses idé's roug's et nouer's qui bougent dans sa caboch' de gueux et d' fou, de vouer tout en rose et crouer qu' si 'l a mal vu les choses c'est p'têt' pas qu'il était pas saoul. Le vin sera le symbole de la fête, qui permet l'espace d'une cuite d'effacer la réalité. Et s'il reconnaît qu'il n'a pas l' drouet au pain, il réclame le drouet à la chimère, "la chimèr' douc' des saoulés d'vin".
Tout au long de son bref parcours, le thème du vin et de la vigne ne le lâchera pas et, même dans la dernière année de sa vie, quand il confiera à la Guerre Sociale sa chanson d'actualité hebdomadaire, il mettra en scène la révolte des vignerons marnais de 1911, révolte des petits vignerons affamés par le négoce et les gros manipulants qui importent du vin du sud pour fabriquer le champagne : des maisons de champagne seront mises à sac dans la vallée de la Marne, des vignes seront brûlées et l'armée interviendra à Épernay et dans ses environs. Couté en fera plusieurs textes d'actualité, dont le beau et violent « Ces choses-là » : Au sac des celliers la foule s'acharne / Brisant les bouteill's, crevant les tonneaux ; / Les ruisseaux débord'nt de flots de champagne / Et les vign's avec leurs grands échalas / Sont comm' des bûchers au coeur des campagnes
Couté a disparu depuis bientôt un siècle et pourtant. à Meung sur Loire, là où il a grandi, pousse encore une vigne, la dernière du coin. Et cette vigne donne un petit gris meunier dont la principale qualité est de mettre des moigneaux dans les coeurs. Celui qui la soigne, c'est Bernard Gainier, un gars qui, d'après ce que certains racontent, dit Couté « comme un prince ». Mais c'est faux, Bernard Gainier, comme le rappelle Jacques Lambour, ne dit pas Couté, il « parle Couté ». Car le Couté est une langue qui se parle avec le coeur, qu'on apprend avec le coeur et qu'on comprend à Montmartre comme sur le bord des Mauves. Suffit d'avoir du cour.
Et dans l'entourage de ce vigneron peu commun se trouve une dame, la « Grande Claude », comme il dit, la « mal tournée », comme elle dit. Cette dame, qui depuis toujours met en musique et interprète les poètes « pas assez connus », c'est Claude Antonini. De sa voix grave, chaude et rebelle, elle en a chanté des inconnus, elle en a déniché des poésies rares, après Paol Keineg , Jean Dieudonné Garçon ,sans oublier Armand Olivennes, toujours en recherche, elle rencontre au cabaret du Pétrin, Vania Adriensens, apportant dans ses valises parisiennes sa passion pour Gaston Couté . C'est alors qu' a commencé pour elle une saga qui n'est pas près de se tarir avec cette « Cuvée du Cigalier »,
elle revient encore à Couté. Divorce impossible !
Pour accompagner ces deux-là, des musiciens, des amis, des compagnons de chemin escarpé, Thierry Brossard et Vincent Viala, deux louches mélodistes, Jean Foulon, François Gerbel et Michel Monié, trois p'tits crèmes un peu blueseux ! Ils savent mettre sur les mots de Couté les notes qu'il faut, ils savent faire vivre la musique déjà présente dans les textes du poète, ils savent mettre leur swing, leur rythme et leur talent au service de son ouvre.
Bref, cette « Cuvée du Cigalier » a su prendre le soleil de l'été et s'annonce des meilleures. A consommer sans modération. C.L. Juillet 2005.
Pour obtenir le CD s'adresser à la Compagnie d´Ariane (21 rue Aignan-Thomas Desfriches 45000 Orléans 02 38 86 66 91 et http://www.compagniedariane.com le courriel suivant : (ariane@compagniedariane.com)
23 septembre 1880 : Naissance à BEAUGENCY (Loiret). Son père était meunier au Moulin des Murs. Détruit lors du bombardement de 44, ce moulin a fait place à un square qui porte précisément le nom du poète. La famille Couté aurait déménagé de Beaugency à Saint-Pryvé Saint-Mesmin (45) avant de venir à Meung à la fin de l’année 1884 dans une maison entourée de ses vignes.
1889 : Ce ne serait qu’en 1889 que Gaston Couté, sa sœur et ses parents s’installeront au moulin de Clan, sur un bras de la rivère "Les Mauves ", à 4 kilomètres de MEUNG-SUR-LOIRE. C'est alors la ville de la minoterie : tout le grain beauceron vient s'y moudre. C'est aussi la cité des poètes : Chopinel, dit Jehan de Meung, y écrivit la seconde partie du Roman de la Rose et François Villon termina dans les cachots du château son Grand Testament. Deux poètes révoltés animés par la même soif de justice. Gaston Couté y fut à bonne école. A propos d'école, Gaston fréquente l'école communale de La Nivelle (village des faubourgs de Meung-sur-Loire), puis le Cours complémentaire de Meung et, après son échec quasi volontaire au Brevet élémentaire, il devient interne au Lycée Pothier d'Orléans en septembre 85. Dans une classe supérieure à la sienne, l'élève Couté fait connaissance d'un certain Pierre Dumarchay ; bien des années plus tard, il retrouvera ce camarade à Montmartre sous le pseudonyme de Pierre Mac Orlan.
1896 : Premier récit de Couté édité dans la " Meunerie Française ". A partir d'avril 97, Couté (sous le pseudonyme de Gaston Koutay), donne des textes à la " Revue littéraire et sténographique du Loiret ". En décembre, il quitte le lycée.
1898 : Il est commis auxiliaire à la Recette Générale d'Orléans, puis muté à la Perception d'INGRÉ (prés d'Orléans). Il devient reporter au " Progrès du Loiret "etse met à écrire des poèmes. Des poèmes! A-t-on idée?. Lors d'une soirée chansonnière, l'animateur de la tournée invite les spectateurs à monter sur les tréteaux. Gaston Couté n'hésite pas : il escalade les planches et déclame "Le Champ d'naviots". Le directeur de la troupe Castello, l'impresario dirait-on aujourd'hui, n'en croit pas ses oreilles ! Voilà à coup sûr un chansonnier dans la pure tradition montmartroise ! Ce compliment ne tombe pas dans l'oreille d'un sourd...
Le 31 octobre 1898 : Couté arrive à PARIS, à l'âge de dix-huit ans. Il dirige aussitôt ses pas vers cette fameuse Butte Montmartre. Il débute au cabaret " Al Tartaine" (Bd de Rochechouart). Le succès du petit Beauceron ne se fait pas attendre. De tous les quartiers de la capitale, on vient écouter le cri de ce " poète en blouse ", de ce paysan qui parle un patois inhabituel aux images si crues et si justes.
Septembre 1899 : voyage avec Maurice Lucas vers GARGILESSE en passant par CHATEAUROUX.
1900 : Conseil de révision : COUTE est ajourné. Il sera plus tard réformé définitivement.
1902-1907 : son nom sinscrit bientôt en gros caractères sur les affiches de " la Nouvelle Athènes", de " l'Ane rouge", des "Funambules", du "Lapin agile", du "Conservatoire", du "Carillon", des "Quat'z arts", du "Pacha noir", de " Gringoire "... Il devient même, pour quelques mois, co-directeur du cabaret " La Truie qui file " avec Dumestre et Dominus ! D'emblée, Gaston Couté devient une des figures les plus pittoresques et les plus sincères de la Butte !
Hélas ! Le poète préfère souvent les tables de bistrots aux scènes qui le réclament : peu à peu, les portes des cabarets se ferment. Pour ne rien arranger, les esprits changent. "Les grenouilles de bénitier fêtardes, écrivait André Sauger veulent bien écouter des plaisanteries égrillardes, mais elles ne prisent guère ce genre de propos et encore moins ceux qui, comme Gaston Couté, mettent leur plume au service de la vérité et de la liberté de l'esprit. Ils n'aiment point, ceux-là, qu'un poète se permette de confesser les joies et les douleurs de la multitude." Coutése retrouve fréquemment sans le sou, sur le pavé. Ce sont alors les privations, les cachets de misère, les meublés glacés et les maigres cafés crèmes. C'est aussi l'absinthe, car Couté s'adonne à la boisson et sa santé fragile s'altère.
Conscient de son état, il abandonne parfois la Butte et, à pied, en compagnie de quelques complices, ses amis Tony Taveau et Pierre Mac Orlan, il revient passer l'été à ROUDON, chez la mère VITRY, à qui il loue un bâtiment vite baptisé "La Turne".
1910 : Atteint de tuberculose, Couté s'affaiblit peu à peu malgré les efforts de ses amis qui font tout pour lui procurer quelque argent, afin qu'il se soigne mieux. Gustave Hervé l'engage dans son journal anarchiste "La Guerre sociale" et lui commande, moyennant un salaire confortable, une chanson par semaine. "Écrites sur des sujets d'actualité, raconte Louis Lanoizelée, ces chansons pouvaient se chanter sur des airs connus. Bâclées à la dernière heure, elles étaient trop violentes et dépassaient ainsi le but qu'elles voulaient atteindre ! " COUTÉ est poursuivi pour outrages à la Magistrature, preuve que les personnages visés ne se sentent guère à l'aise ! En traînant Couté devant les tribunaux, les autorités penseront impressionner et museler l'audacieux dont les chansons agissaient comme un véritable ferment révolutionnaire. Mais c'est peine perdue car au terme du procès, le président s'entend dire par l'avocat : " Vous venez de condamner un mort ! Gaston Couté n'est plus. "
Il s'était éteint le 28 juin 1911, à l'Hôpital Lariboisière après avoir tenté un ultime rétablissement dans les cabarets de BRUXELLES. Comme tant d'autres poètes maudits, Gaston Couté est mort d'épuisement, d'incompréhension et d'alcoolisation à l'âge de 31 ans ! Le 1er juillet, il est inhumé dans le cimetière de MEUNG-SUR-LOIRE.
Le P'tit Créme, P'tit Crème, Gaston Couté, Ptit creme.
Ailleurs
Attends-moi ti-gars
Blues pour Pinky
Bon voyage dans la lune
Bozo
Ce matin-là
Chanson de femme d'autrefois et d'aujourd'hui
Chanson des colons
Chanson du retraité
Comme Abraham
Contumace
Demain, si la mer
Dialogue d'amoureux
Dieu qui dort
Do, ré, mi
Douleur
Echo
Elle n'est pas jolie
Francis
Grand Papa Pan Pan
J'ai deux montagnes
J'inviterai l'enfance
L'abeille
L'agité
L'alouette en colère
L'eau de l'hiver
L'écharpe *
L'héritage
L'hymne au printemps
La chanson du pharmacien
La chanson du vieux polisson
La complainte du pêcheur
La danse la moins jolie
La drave
La fête
La Gaspésie
La mer n'est pas la mer
La mort de l'ours
La nuit du 15 novembre
La valse à joseph
La veuve
La vie
La vie, l'amour, la mort
Le bal
Le jour qui s'appelle aujourd'hui
Le nouveau-né
Le petit bonheur
Le petit pont défendu
Le petit soulier rose
Le Québécois
Le roi et le laboureur
Le roi heureux
Le roi viendra demain
Le tour de l'île
Le train du nord
Les algues
Les dimanches
Les perdrix
Les rogations
Les soirs d'hiver
Les soupirs
Lettre de mon frère
Litanies du petit homme
Mac Pherson
Mes longs voyages
Moi, mes souliers
Mon fils
Naissance
Nelligan
Notre sentier
Oh ! Mon maître
Oh... Lon... La belle journée
Perdu et gagné
Petit Pierre
Pour bâtir une maison
Pour la mort d'un chien
Présence
Prière bohémienne
Quand les hommes vivront d'amour *
Richesses
Sors-moi donc Albert
Tour de reins
Tu te lèveras tôt
Tzigane
Un soir de février
Une valse
Y a des amours
Il fait ses études classiques à Ottawa, puis occupe divers emplois de manoeuvre en Mauricie. En 1934, il devient annonceur radiophonique à CHRC (Québec). Initié à la guitare par Louis Angellilo (père du bassiste Vic Angellilo), Félix Leclerc compose cette année-là sa première chanson: Notre sentier. En 1937, il travaille à la station CHLN de Trois-Rivières où il écrit ses premiers textes radiophoniques. Avec l'écrivain Yves Thériault, il y chante sous le pseudonyme d'Illya dans l'émission Illya et Gomez. En 1939, Félix Leclerc entre au service de la SRC à Montréal et se lie d'amitié avec le jeune réalisateur Guy Mauffette qui lui fait interpréter sa chanson Notre sentier dans le radioroman Le restaurant d'en face (1939). Leclerc participe également aux radioromans Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon et Vie de famille de Henry Deyglun. Il anime Je me souviens (1941) et commence à lire en ondes des contes de la nature qui connaissent assez de succès pour être édités sous les titres Adagio (1943), Allegro et Andante (1944). Passionné d'écriture, Félix Leclerc se retire sur l'Île d'Orléans en juin 1946 et complète le roman Le fou de l'Île, qui ne paraîtra qu'en 1958, à Paris, et le récit autobiographique Pieds nus dans l'aube, qui est édité en décembre 1946. Toujours à la radio de SRC, il anime à cette époque L'encan des rêves, Théâtre dans ma guitare et La ruelle des songes.
Avec les Compagnons de Saint-Laurent, troupe théâtrale avec laquelle il se produit par intermittence depuis 1942, Félix Leclerc joue dans deux pièces de Molière à Boston. En 1947, la troupe crée sa pièce Maluron au théâtre du Gésu à Montréal. Félix Leclerc fonde ensuite, avec Guy Mauffette et Yves Viens, la Compagnie VLM qui met en scène en 1948 sa pièce Le petit bonheur. L'année suivante, il publie Dialogues d'hommes et de bêtes. Pouvant difficilement vivre de la radio et de son écriture, Félix Leclerc se produit également comme chansonnier. Mais, s'il est apprécié par un public de jeunes initiés, ses chansons de la nature intéressent peu les citadins.
En juin 1950, Jacques Normand fait entendre à l'imprésario français Jacques Canetti un enregistrement «maison» de la chanson Le train du nord de Félix Leclerc. Impressionné, Canetti lui fait enregistrer sur le champ une douzaine de chansons aux studios de CKVL et lui offre un contrat de cinq ans avec la maison Polydor. Six mois plus tard, il propose à Leclerc un engagement de trois semaines à l'ABC de Paris, en première partie des COMPAGNONS DE LA CHANSON. Avec ses bottes, sa veste à carreaux et sa guitare, Félix Leclerc, dit le Canadien, y remporte le soir du 22 décembre 1950 un véritable triomphe. Il tient ensuite pendant 14 mois l'affiche des Trois Baudets (de Canetti), puis effectue des tournées en France, ailleurs en Europe et au Proche-Orient. Il enregistre un premier album qui contient Le train du nord, Bozo, Le roi heureux, Contumace, L'hymne au printemps, Le petit bonheur, Écho, Francis et Moi, mes souliers, chanson qui remporte un grand prix de l'Académie Charles-Cros en 1951. Au Québec, c'est la stupeur. Le paysan dont on se moquait gentiment hier a conquis le monde sans rien changer à son allure, à ses textes ou à sa langue! D'un coup, la chanson québécoise vient de gagner ses lettres de noblesse.
Félix Leclerc publie les pièces Théâtre de village (1951) et Le hamac dans les voiles (1952). Au cours d'un bref séjour au Québec au printemps 1951, il est reçu en grandes pompes à l'Hôtel de Ville de Montréal et donne quelques spectacles au Continental, boîte qu'anime Jacques Normand. Suivent deux années de tournées ininterrompues en Europe où Félix Leclerc, déjà considéré comme un grand de la chanson, suscite l'admiration de jeunes débutants comme Jacques Brel et Georges Brassens. Revenu au Québec, en 1953, il triomphe au Continental. Sa pièce Le petit bonheur est jouée à Lausanne (70 représentations). Quelques mois auparavant, Les péchés dans le hall avait été jouée à la radio de la SRC. En 1956, le Théâtre du Rideau Vert crée Sonnez les matines, pièce qui sera reprise en 1959 à Montréal et à Québec. Se considérant avant tout comme un écrivain, Félix Leclerc refuse la plupart des contrats qu'on lui offre, y compris un passage au Ed Sullivan Show (CBS) et des spectacles à Las Vegas. Pour la télévision de la SRC, il écrit le téléroman Nérée Tousignant (1956), des sketches pour l'émission Eaux vives, et le téléthéâtre Village du refus (1957). Il publie les pièces de théâtre Moi mes souliers (1955), Sonnez les matines (1956), Le fou de l'île (1958) et Le petit bonheur. Il remporte à nouveau un grand prix de l'Académie Charles-Cros en 1958 pour son deuxième album (1957) qui comprend notamment Comme Abraham, Attends-moi ti-gars, Un petit soulier rose, Prière bohémienne, Ce matin-là et Le Québécois. En 1959, Charles Apothéloz devient son imprésario et lui obtient une tournée de huit mois en Europe. Félix Leclerc enregistre sur son troisième album (1959) Tirelou, L'héritage et Tour de reins.
Félix Leclerc commence à fréquenter les nouvelles boîtes à chansons comme la Butte à Mathieu. Il publie en 1961 Calepins d'un flâneur. Parue l'année suivante, sa pièce L'auberge des morts subites est jouée 153 fois au Gésu à Montréal et un peu partout en tournée. Félix Leclerc enregistre à Paris un nouvel album (1962) avec des chansons comme Le bal, Le roi heureux, MacPherson, Notre sentier et Ton visage de Jean-Pierre Ferland. En 1964, il endisque de nouvelles compositions, dont Premier amour, La valse à Joseph et Y a des amours, et réenregistre certains de ses premiers succès. La même année, la SRC présente son téléthéâtre Le roi viendra demain. Félix Leclerc reçoit une subvention pour aller présenter la pièce Le petit bonheur à Paris. Après 50 représentations, la presse française est partagée. Les relations de Leclerc avec la presse québécoise, qui accentue ce demi-succès, s'enveniment. Après l'échec de la comédie Les temples présentée à la Comédie-Canadienne en 1966, Félix Leclerc quitte le Québec et s'installe en Suisse. Après un triomphe à Bobino à Paris et une tournée européenne, il revient donner un spectacle à la Place des Arts de Montréal en novembre 1967. Il publie Chansons pour tes yeux en 1968, et, l'année suivante, vient chanter au Festival d'été de Québec. En 1970, le poète de 56 ans se réinstalle au Québec, dans une maison de l'Île d'Orléans qu'il bâtit lui-même.
S'étant jusque-là toujours tenu à l'écart du débat politique québécois, Félix Leclerc devient l'un des plus farouches partisans de l'indépendance du Québec suite à l'imposition par le gouvernement fédéral des mesures de guerre au Québec en 1970. Il publie en 1972 l'album L'alouette en colère qui comprend notamment, outre la pièce titre, la chanson Les 100 000 façons de tuer un homme. En 1973, l'Académie Charles-Cros lui remet un prix pour l'ensemble de son oeuvre. Sa pièce La peur à Raoul est jouée à Québec et il effectue une importante tournée en Europe francophone où il est encore adulé. En août 1974, Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois, trois générations de chansonniers québécois, triomphent sur les plaines d'Abraham à Québec dans le cadre de la Superfrancofête. L'événement donne lieu à l'album J'ai vu le loup, le renard, le lion. Félix Leclerc publie à cette époque les pièces de théâtre Carcajou ou le diable des bois (1973) et L'ancêtre (1974).
En 1975, année où la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal lui décerne le prix de musique Calixa-Lavallée, Félix Leclerc amorce avec l'orchestrateur François Dompierre une collaboration musicale d'où naît, notamment, la magistrale chanson Le tour de l'île. Sur l'album du même titre, Leclerc enregistre, entre autres, La complainte du phoque en Alaska de Beau Dommage et Sors-moi donc, Albert. Toujours en 1975, Félix Leclerc effectue une autre tournée en France qui culmine par 42 représentations et un enregistrement du spectacle Merci la France au Théâtre Montparnasse à Paris en décembre. En 1976, il reçoit un diplôme d'honneur de la Conférence canadienne des arts et donne un spectacle avec Claude Léveillée au Théâtre de l'Île d'Orléans (album Le temps d'une saison). Suite à l'élection du Parti québécois le 15 novembre 1976, Félix Leclerc écrit L'an un et La nuit du 15 novembre qu'on retrouve sur l'album Mon fils (1978).
En 1977, le gouvernement du Québec décerne à Félix Leclerc le prix Denise-Pelletier pour l'ensemble de son oeuvre théâtrale. En mai, après une dernière tournée en France, Leclerc travaille dans l'intimité avec Beau Dommage. Une douzaine de chansons, inédites à ce jour, sont enregistrées. Il publie en 1978 le recueil de pensées Le petit livre bleu de Félix et et enregistrera l'album Mon fils, qui deviendra son testament musical. En février 1979, il publie dans le magazine Actualité un texte incitant les gens à voter oui au référendum («Le jour du référendum...»). En avril, il enregistre, sur des enregistrements de François Dompierre, 36 de ses plus belles chansons qui seront regroupées en un coffret de trois disques intitulé Chansons dans la mémoire longtemps. Sur des musiques d'ambiance de Claude Léveillée, il endisque également les contes La légende du petit ours gris et Le journal d'un chien, son dernier enregistrement. Toujours en 1979, Félix Leclerc accepte de prêter son prénom aux trophées distribués par l'Association de l'industrie du disque et du spectacle québécois. L'ADISQ lui décerne son trophée «Témoignage» au cours de son premier gala.
De 1980 à 1984, Félix Leclerc vit en retrait sur ses terres de l'Île d'Orléans. Il publie Rêves à vendre (1984), un recueil de maximes politiques et philosophiques qui constitue la suite des Calepins d'un flâneur publiés en 1961. À l'instigation de son ami Jean-Pierre Ferland, il écrit et participe à Rêves à vendre, un spécial télévisé diffusé le 13 janvier 1985 (SRC). On le revoit également dans En cerf-volant le Québec (SRC, 1985). Le 26 juin 1985, Félix Leclerc est reçu de l'Ordre national des Québécois par le premier ministre René Lévesque. En 1987, l'album Merci Félix de la chanteuse Johanne Blouin grimpe en tête des palmarès, faisant découvrir le chansonnier à toute une nouvelle génération. Parue sur cet album, la chanson Le p'tit bonheur remportera le Grand Prix Radio-Mutuel de la chanson québécoise de 1988, décerné d'après le vote populaire. En 1988, Félix Leclerc projette de mettre sur pied une fondation qui viendrait en aide aux jeunes débutants de la chanson et termine un autre volume de ses Calepins d'un flâneur qu'il doit publier à l'automne (Dernier calepin, 1988). Mais il s'éteint dans son sommeil au matin du 8 août 1988.
Parmi les livres consacrés à l'oeuvre et à la vie de Félix Leclerc, citons les recueils de paroles et musiques de chansons ou de textes: Les chansons de Félix Leclerc le Canadien (Paris, Éditions Raoul Breton, 1950), 12 chansons de Félix Leclerc (Montréal, Éditions Archambault, 1958), Les chansons de Félix Leclerc (Paris, Éditions métropolitaines, 1960), 24 chansons (Paris, Éditions Intersong) et Le choix de Félix Leclerc dans l'oeuvre de Félix Leclerc (textes choisis par Félix Leclerc; Presses Laurentiennes, Montréal, 1983); les analyses de textes et de chansons: Félix Leclerc (par Luc Bérimont, Paris, Seghers, 1964), L'univers poétique de Félix Leclerc (par Soeur Gabriel-de-L'addolorata, thèse de maîtrise, Université de Montréal, 1964), Les thèmes de Félix Leclerc (par Carmel Despins, thèse de maîtrise, Université Laval, 1967), L'univers poétique de Félix Leclerc (par Jean-Claude Le Pennec, Fides, Montréal, 1967), Félix Leclerc (par Roland Charland, Montréal, Fides, 1967) et Cent chansons (par Jean Dufour et Marie-Josée Chauvin, Montréal, Fides, 1970); les essais biographiques: Félix Leclerc tel que raconté par sa femme (par Jean-Paul Sylvain, Ottawa, Éditions de l'Homme, 1968), Le roi heureux (par Jacques Bertin, Paris, Éditions Arléa, 1986), Félix Leclerc, roi, poète et chanteur (par Jean-Paul Sermonte, Paris, Éditions Le Rocher, 1989) et Les adieux du Québec à Félix Leclerc (témoignages d'amis et de collaborateurs, Éditions Guérin littérature, 1989).
Félix Leclerc fut le sujet des films Félix Leclerc troubadour (ONF, 1958), La vie (ONF, 1967), et C'est la première fois que je chante (ONF, 1988). Il a participé au film Les brûlés (ONF, 1959) et chanta sur les documentaires La drave (ONF, 1957) et Manic 5 (Hydro-Québec, 1965). Il fut enfin l'animateur des Légendes du Canada français, émissions de télévision produites dans les années 1970 par Vidéo Club d'Amérique et diffusées par CFTM.
Depuis les années 1960, le nom de Félix Leclerc fut donné à quelques écoles, rues et édifices québécois. De 1965 à 1969 inclusivement, le Festival du disque décerna le trophée Félix-Leclerc à l'auteur de la meilleure chanson canadienne
(extrait du DICTIONNAIRE DE LA MUSIQUE POPULAIRE AU QUÉBEC - 1955-1992, de Robert Thérien et Isabelle d'Amours; publié chez l'INSTITUT QUÉBÉCOIS DE RECHERCHE SUR LA CULTURE, Québec, 1992)
discographie (partielle)
FÉLIX LECLERC ET SA GUITARE, vol. 1 (1958) - Épic LF-2001 [V]
Chanson des colons - La drave - Ballade des amoureux - Ce matin-là - Le roi et le laboureur - Les perdrix - Comme Abraham - Attends-moi, ti-gars - Le petit soulier rose - Le Québécois - Le roi viendra demain - Chanson du retraité - J'ai deux montagnes - À traverser
FÉLIX LECLERC ET SA GUITARE, vol. 2 (1959) - Épic LF-2008 [V]
Moi, mes souliers - Le roi heureux - Le train du nord - Bozo - Contumace - Le bal - Hymne au printemps - Le petit bonheur - Écho - Francis - Chanson du pharmacien - Le petit ours
FÉLIX LECLERC ET SA GUITARE, vol. 3 (1959) - Philips B-77.899L [V]
Sur le bouleau - Litanies du petit homme - Elle pleure - Les dimanches - Le testament - Si tu crois - Les mouillures - L'abeille - L'héritage - Au même clou - L'agité - Les cinq millionnaires - La fille de l'île - Tirelou - Les soirs d'hiver - Tour de reins - La chanson du vieux polisson - Batterie de Capela
LE ROI HEUREUX (1962) - Philips B-77.389L [V]
Le roi heureux - Le chant de la création - Perdu gagné - La gigue - Elle pleure - L'imbécile - Les soirs d'hiver - Je cherche un abri - Le bal - Le loup - Tu te lèveras tôt - Au même clou - MacPherson - Mouillures - Ton visage - Complot d'enfants - Notre sentier - La fille de l'île - L'eau de l'hiver
FÉLIX LECLERC VOUS PROPOSE 14 NOUVELLES CHANSONS (1964) - Philips B-77.801L [V]
Premier amour - Valse à Joseph - Le roi chasseur - Chanson en russe - Y a des amours - La fête - Douleur - Les algues - Sur la corde à linge - Le traversier - Le nouveau-né - La vie, l'amour, la mort - Les soupirs - Le jour qui s'appelle aujourd'hui
MES PREMIÈRES CHANSONS (1964) - Philips B-77.846 [V]
Moi, mes souliers - Bozo - L'hymne au printemps - Francis - Demain si la mer - Contumace - Écho - Lettre de mon frère - Le p'tit bonheur - Le train du nord - Petit Pierre - Elle n'est pas jolie - La complainte du pêcheur - La mer n'est pas la mer - La danse la moins jolie - Présence
MOI, MES CHANSONS (1966) - Philips 70.352 [V]
Ailleurs - Bon voyage dans la lune - Qu'ont vu tes yeux - Noces d'or - En muet - Dieu qui dort - Oh! mon maître - Chanson de nuit - Manic 5 - Le bonhomme et la jeune fille - Nuage noir - Mes longs voyages
L'ALOUETTE EN COLÈRE (1972) - Philips 6325.022 [V]
Liste des chansons non disponible
LE TOUR DE L'ÎLE (1975) - Philips 6325.242 [V]
L'encan - Chant d'un patriote - Comme une bête - La complainte du phoque en Alaska - L'ancêtre - Les poteaux - Le dernier point - Sors-moi donc, Albert - Fatalité - Un an déjà - Le tour de l'île
CLAUDE LÉVEILLÉE ET FÉLIX LECLERC: LE TEMPS D'UNE SAISON (1976) - Polydor 2675.144 [V], 3577.327 [K7]
Pieds nus dans l'enfance - J'inviterai l'enfance - Les mauvais conseils - Les vieux pianos - Gigue et jazz - La peinture - Cheval de bois - Soir d'hiver - Les soirs d'hiver - Les patriotes - Pour quelques arpents de neige - L'encan - Le chant d'un patriote - Comme une bête dans la neige - La mort de l'ours - La complainte du pêcheur - Poissons - 100 000 façons de tuer un homme - Les litanies du petit homme - Sors-moi dons Albert - Frédéric - Variations sur le verbe donner - La prière bohémienne - La légende du cheval blanc - Adagio pour une femme - La vie - Le rendez-vous - Histoire de Jean-Baptiste - L'hiver - La grande valse - Bozo - Ce soir si on s'aimait - Un an déjà - Le tour de l'île
MON FILS (1978) - Polydor 2424.187 [V], 3176.187 [K7]
Les rogations (avec Monique Leyrac, Jean-Pierre Ferland et Gilles Vigneault) - Le petit point défendu - Nelligan - Chanson de femme d'autrefois et d'aujourd'hui (interprétée par Monique Leyrac) - La nuit du 15 novembre (avec Monique Leyrac, François Dompierre, Claude Gauthier, Marc Gosselin, Jean Lapointe et Philippe Ostiguy) - La montagnette - L'Édéenne («Lady Ann») - Oh! lon la belle journée - L'an 1 - Mon fils
LA LÉGENDE DU PETIT OURS GRIS / LE JOURNAL D'UN CHIEN (extraits) (1979) - Polydor 2424.196 [V]
La légende du petit ours gris: Dormir l'hiver - Première nuit d'homme - Fête en forêt - Blessante froidure - Blanche découverte - Nocturne pour un petit ours gris
Le journal d'un chien (extraits): Complainte d'un chien - Folle jeunesse - Attente dans la nuit - Nocturne pour un chien - Ma famille - Au couchant de ma vie
FÉLIX LECLERC, COLLECTION «CHANSONS D'AUTEUR» (compilation, 1988) - Philips 822 995-2 [CD]
Moi, mes souliers - Richesses - La mort de l'ours - Contumace - Le Québécois - Présence - L'alouette en colère - La Gaspésie - Le roi et le laboureur - Attends-moi ti-gars - Ce matin-là - MacPherson - Le roi heureux - L'hymne au printemps - La chanson du pharmacien - 100 000 façons de tuer un homme - Prière bohémienne - Le p'tit bonheur / Petit Pierre - Notre sentier - Le tour de l'île
LE P'TIT BONHEUR (intégrale, 1989) - Philips 838 459-2 [coffret 6 CD]
disque 1 ("Le p'tit bonheur"): Moi, mes souliers - Contumace - Elle n'est pas jolie - Bozo - Écho - Francis - Lettre de mon frère - Demain si la mer - La danse la moins jolie - Le p'tit bonheur - Le train du nord - Petit Pierre - La complainte du pêcheur - L'hymne au printemps - La mer n'est pas la mer - Présence - Comme Abraham - Attends-moi ti-gars - La drave - La chanson du pharmacien - Prière bohémienne - Le roi et le laboureur - Un petit soulier rose - J'ai deux montagnes - À Pierrot - Le Québécois - Le dialogue des amoureux - Le roi viendra demain - Chanson des colons - Les perdrix - Ce matin-là - Sensation
disque 2 ("La vie, l'amour, la mort"): L'héritage - Tirelou - Tour de reins - L'abeille - L'agité - Sur le bouleau - Je cherche un abri pour l'hiver - L'imbécile - Litanies du petit homme - La chanson du vieux polisson - Les dimanches - Si tu crois - Les cinq millionnaires - Le testament - Mouillures - L'eau de l'hiver - Le roi heureux - Le loup - La gigue - Le chant de la création - Le bal - Elle pleure - Les soirs d'hiver - Perdu gagné - Ton visage - Complot d'enfants - Notre sentier - Tu te lèveras tôt - Au même clou - MacPherson - La fille de l'île - Le jour qui s'appelle aujourd'hui - Y a des amours - Chanson en russe - La fête - La vie, l'amour, la mort
disque 3 ("La Gaspésie"): Les nouveaux-nés - Le roi chasseur - La valse à Joseph - Douleur - Les soupirs - Premier amour - Les algues - Le traversier - Sur la corde à linge - Ailleurs - Bon voyage dans la lune - Nuage noir - Noces d'or - En muet - Mes longs voyages - Oh! mon maître - Qu'ont vu tes yeux? - Manic 5 - Chanson de nuit - Le bonhomme et la jeune fille - Dieu qui dort - La Gaspésie - Passage de l'outarde - L'écharpe - Une valse - Les moutons sur la rivière - La vie - Errances - Do Ré Mi Fa Sol La Si - Blues pour Pinky
disque 4 ("L'alouette en colère"): Variations sur le verbe donner - Tzigane - La mort de l'ours - Les escaliers devant - J'inviterai l'enfance - Le père - Richesses - Grand papa pan pan - Naissance - En attendant l'enfant - Les mauvais conseils - La veuve - L'alouette en colère - Viendra-t-elle aujourd'hui? - My neighbour is rich - La légende du petit ours gris - Un soir de février - Batelier batelier - Les 100 000 façons de tuer un homme - Races de monde - La mouche à feu - Pour bâtir une maison - Tu t'en iras demain
disque 5 ("Mon fils"): L'encan - Chant d'un patriote - Comme une bête - La complainte du phoque en Alaska - L'ancêtre - Les poteaux - Le dernier point - Sors-moi donc Albert - Fatalité - Un an déjà - Le tour de l'île - Les rogations - Le petit pont défendu - Nelligan - La nuit du 15 novembre - La montagnette - L'Édéenne - Oh... Lon... La belle journée - L'an 1 - Mon fils
disque 6 ("L'encan / Le tour de l'île"): La vie - J'inviterai l'enfance - Les mauvais conseils - L'encan - Chant d'un patriote - Les 100 000 façons de tuer un homme - Notre sentier - Les poteaux - Moi, mes souliers - L'ancêtre - La complainte du phoque en Alaska - Races de monde - L'alouette en colère - Le tour de l'île - Le boiteux amoureux - Épousailles (matin de noces) - Le galérien - L'homme au vélo - Tu allumes ma nuit - Le procès d'une chenille
Abréviations: [V]: vinyle; [K7]:cassette; [CD]: compact disc.
Chronologie
1914 À La Tuque, le 2 août, naissance de Félix Leclerc, de Léo Leclerc, commerçant de bois, l'été, et de grains, l'hiver, et "faiseux de villages", et de Fabiola Parrot, d'ascendance jurassienne, Il est le sixième d'un famille de onze enfants.
1920-1931 Études primaires chez les Frères Maristes à La Tuque. Études secondaires au Junoriat de Sacré-Coeur à Ottawa.
1931-1932
Première et deuxième années collégiales à l'Université d'Ottawa (Belles-lettres et Rhétorique).
1934-1937
Annonceur à la station radiophonique CHRC de Québec. Suit des cours de guitare avec Louis Angellilo.
Emploi à Radio-Canada. Interprète sa première chanson sur les ondes, "Notre sentier". Participe à plusieurs émissions à titre de comédien, dont les séries "vie de famille" et "un homme et son péché".
1939
Présente à la radio d'État la série "Je me souviens".
1941
1943-1944
Publie "Adagio", puis "Allegro" et "Andante", contes lus sur les ondes de Radio-Canada
1946
Écrit "Le fou de l'île" pendant son premier séjour à l'Île d'Orléans. Publie "Pieds nus dans l'aube", en décembre.
Fonde, avec Guy Maufette et Yves Vien, une compagnie théâtrale, le V.L.M. Création du "P'tit bonheur", le 23 octobre.
1948
1949
Publie "Dialogues d'hommes et de bêtes", en mai.
1950 Se produit à l'ABC de Paris.
Tournée en France, puis dans plusieurs pays d'Europe et du Proche-Orient. Grand prix du disque de l'Académie Charles-Cros
Publie "théâtre de village"
1951-1953
1952 Publie "Le hamac dans les voile".
1953
Retour triomphale à Québec
1955 Publie en France "Moi mes souliers". 70 représentations en Suisse du "P'tit Bonheur".
1956 Création de "Sonnez les matines" par le Théâtre du Rideau Vert. Écrit un téléroman pour Radio-Canada (Nérée Tousignant, du 6 avril au 28 septembre).
Grand prix du disque de l'Académie Charles-Cros. Publie "Le fou de l'île".
1958
Publie "Calepin d'un flâneur"
1961
1963
Création, le 24 janvier, de "L'auberge des morts subites", au Gesù.
1964
Publie "L'auberge des morts subites".
Création des "temples", le 10 janvier, à le Comédie Canadienne. En novembre, quitte le Québec pour l'Europe.
1966
1968
Publie "Chansons pour tes yeux".
Retour au Québec. Bâtit une maison dans l'Île d'Orléans.
1969
1972
Projet d'adaptation cinématographique du "Fou de l'île" sous la direction de Claude Jutra, avec Jean-Claude Labrecque comme réalisateur et Jean Duceppe comme comédien. Le projet avorte.
1973
Création de "Qui est le père ?" au théâtre de l'île. Publie "Carcajou ou le diable des bois" Pour la troisième fois, Grand prix du disque de l'Académie Charles-Cros.
1974
Publie "L'Ancêtre", livre d'art illustré par René Derouin
1975
Prix Calixa-Lavallée de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et médaille Bene Merenti de Patria
1977
Prix Denise-Pelletier (Prix David), décerné pas le Gouvernement du Québec et le ministère des Affaires culturelles. Publie "Qui est le père?".
1978
Publie "Petit livre bleu de Félix" ou "Le calepin d'un flâneur".
1979
Il accepte de prêter son nom aux trophées remis annuellement par l'Association de l'industrie du disque et du spectacle québécois (ADISQ).
1980
Médaille d'argent du Mouvement national des Québécois. Se prononce officiellement pour le "oui" au Référendum du 22 mai.
1982
Reçoit un doctorat honorifique de l'Université du Québec (11 juin).
1983
Prête son nom à une salle de spectacle à Montréal. Gala-hommage au Théâtre Félix-Leclerc et création de la Fondation Félix-Leclerc (11 septembre). Parution du "Choix de Félix dans l'oeuvre de Félix Leclerc".
1984
Publie "Rêves à vendre" ou "troisième calepin d'un même flâneur". Nommé membre d'honneur de l'Union des écrivains québécois.
1985
Reçoit l'Ordre national du Québec (26 juin), à titre de Grand Officier.
1986
Reçoit à Québec, le 10 mars, la décoration de Chevalier de la Légion d'honneur du Gouvernement français des mains du consul Renaud Vignal.
1987
Parution de la biographie de Jacques Bertin, "Félix Leclerc, le roi heureux", Paris, Arléa, 1986, 315 p.
1988
Le 8 août, il meurt subitement, d'une maladie pulmonaire, dans son île où il est inhumé trois jours plus tard dans la plus grande simplicité
soir, dans l'île d'Orléans, Félix a sorti de sa poche une enveloppe: "Toi, le biographe, j'ai écrit quelque chose pour toi." Nous nous sommes tus. Il a lu:
Pas d'affrontements dans mon œuvre
C'est une œuvre frileuse
Peureuse comme moi (...)
Rangez-moi avec les musiciens
Les outardes
Les innocents
Les contemplatifs
Toute ma vie loin de la foule
Mais aussi toute ma vie
Seul en face d'elle
A défaire des nœuds
J'ai cherché Félix Leclerc dans les chantiers de bûcherons de la Mauricie, vers 1850, dans les maisons des colons au tournant du siècle, en Abitibi vers 1920, au séminaire d'Ottawa, dans les radios d'avant-guerre où il faisait "l'annonceur". Il fut là-bas le premier écrivain à vivre de sa plume (un million de livres vendus). Il fut le hérault de l'indépendance, le père de la nation pour un pays qui n'est pas né.
Mais pour nous, il fut pendant 25 ans LE canadien rassemblant les foules, de Bobino au Théâtre de la Ville. Il fut l'ami de Brassens, Brel, Devos, des Compagnons de la Chanson, de Fernand Raynaud et Francis Blanche.
Avec Charles Trénet, il fut le premier auteur-compositeur-interprète. Pionnier chez lui. Premier chez nous. Félix Leclerc est vivant. Il vit dans l'ile d'Orléans.
Jacques Bertin (1987)
19 mai 1987
Félix Leclerc par Jacques Bertin
La "prise de parole" d'un peuple
De Jacques Bertin, on connaissait surtout les chansons ainsi qu'un ouvrage caustique et alerte: "Chante toujours, tu m'intéresses", où il démontait avec pertinence les mécanismes du show-biz. Voici qu'il se lance dans la biographie en publiant un livre consacré à son aîné québécois, Félix Leclerc.
Sa composition se démarque d'emblée des traditionnelles recensions d'anecdotes qu'affectionne le genre. Il s'agit, en fait, d'une investigation à caractère socio-politique dont les premiers repères remontent à la fin du XIXème siècle. Des procédés littéraires permettent de rester avec le personnage central de l'histoire tout en retrouvant, par de larges incises, les perspectives historiques qui permettent de comprendre combien cet homme du peuple a contribué à la prise de parole des Québécois. Ainsi, en perdant leurs complexes, les "ploucs" du lac Saint Jean ou de Gaspésie ont-ils osé assumer une culture qui, depuis, n'a cessé de s'émanciper.
"Ce qui n'était pas évident, souligne le chanteur rennais, car les Québécois ont longtemps souffert d'un sentiment d'abandon, ce qui explique le repli "dans le bois", symbole du repli sur soi. La résistance de ces bûcherons face aux Canadiens anglais, maîtres du pouvoir économique, fut celle du silence et de l'immobilisme, fermement encadrés par l'Eglise catholique dont le rôle pesant se retrouvait dans la structure sociale: enseignement, édition, hôpitaux, etc."
Depuis, les revendications sociales et politiques ont relégué l'Eglise dans un rôle plus discret. "Cependant, sans elle, les textes de Leclerc n'auraient peut-être pas été publiés. Car il faut savoir que dans "la belle province", c'est en tant qu'homme de radio et écrivain que Félix fut apprécié. Sa consécration de chanteur vient, en fait, de France.
Aujourd'hui, à 70 ans passés, il appartient à l'histoire. Mais il faut croire que les Québécois ne l'ont pas oublié puisque, là-bas, depuis plusieurs semaines, mon livre est second au classement des best-sellers."
Recueilli par Bertrand Le Brun
L'Evénement du Jeudi
12 février 1987
Félix Leclerc, le roi heureux
Une belle rencontre entre le maître de la chanson québécoise et un chanteur français qu'on n'entend pas assez souvent… Bertin, qui fut d'abord journaliste, retrouve ici ses premières amours. Il a mené, dans la Belle Province, une enquête minutieuse et serrée autour de ce personnage de légende qui se fait secret et discret. Il a parlé avec ses amis, ses musiciens, ses enfants… c'est passionnant et vibrant d'amitié.
L'historique de la Fondation [modifier]
La Fondation Félix-Leclerc a été créée le 25 août 1983. Cette Fondation, créée avec l'accord de Félix Leclerc, a porté le nom de Fondation théâtre Félix-Leclerc inc. jusqu’au 13 décembre 1983. Elle porte le nom de Fondation Félix-Leclerc depuis cette date.
De 1983 à 1996, la Fondation a remis, de façon irrégulière, quelques bourses à des jeunes artistes de la relève québécoise. Depuis 1996, les activités de la Fondation sont plus structurées et plus régulières.
Les activités de la Fondation [modifier]
Les activités de la Fondation sont maintenant les suivantes :
Participer au financement de l’Espace Félix-Leclerc, un parc, une boîte à chanson, un atelier de création et un musée dédiés à la mémoire de Félix Leclerc.
Participer au financement du Prix Félix-Leclerc de la chanson décerné annuellement à un jeune auteur-compositeur-interprète québécois dans le cadre des Francofolies de Montréal et à un jeune auteur-compositeur-interprète français lors d’une soirée à Paris.
Participer au financement du Prix Félix-Leclerc de la poésie décerné annuellement à un jeune poète québécois dans le cadre du Festival international de la poésie de Trois-Rivières.
Participer à la formation de la jeunesse artistique par des séminaires, des conférences, des ateliers et des spectacles.
Produire et diffuser des spectacles.
Créer d'autres activités contribuant au développement de la culture francophone.
Il fait ses études classiques à Ottawa, puis occupe divers emplois de manoeuvre en Mauricie. En 1934, il devient annonceur radiophonique à CHRC (Québec). Initié à la guitare par Victor Angelillo, Félix Leclerc compose cette année-là sa première chanson: Notre sentier. En 1937, il travaille à la station CHLN de Trois-Rivières où il écrit ses premiers textes radiophoniques. Avec l'écrivain Yves Thériault, il y chante sous le pseudonyme d'Illya dans l'émission Illya et Gomez. En 1939, Félix Leclerc entre au service de la SRC à Montréal et se lie d'amitié avec le jeune réalisateur Guy Mauffette qui lui fait interpréter sa chanson Notre sentier dans le radioroman Le restaurant d'en face (1939). Leclerc participe également aux radioromans Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon et Vie de famille de Henry Deyglun. Il anime Je me souviens (1941) et commence à lire en ondes des contes de la nature qui connaissent assez de succès pour être édités sous les titres Adagio (1943), Allegro et Andante (1944). Passionné d'écriture, Félix Leclerc se retire sur l'Île d'Orléans en juin 1946 et complète le roman Le fou de l'Île, qui ne paraîtra qu'en 1958, à Paris, et le récit autobiographique Pieds nus dans l'aube, qui est édité en décembre 1946. Toujours à la radio de SRC, il anime à cette époque L'encan des rêves, Théâtre dans ma guitare et La ruelle des songes.
Avec les Compagnons de Saint-Laurent, troupe théâtrale avec laquelle il se produit par intermittence depuis 1942, Félix Leclerc joue dans deux pièces de Molière à Boston. En 1947, la troupe crée sa pièce Maluron au théâtre du Gésu à Montréal. Félix Leclerc fonde ensuite, avec Guy Mauffette et Yves Viens, la Compagnie VLM qui met en scène en 1948 sa pièce Le petit bonheur. L'année suivante, il publie Dialogues d'hommes et de bêtes. Pouvant difficilement vivre de la radio et de son écriture, Félix Leclerc se produit également comme chansonnier. Mais, s'il est apprécié par un public de jeunes initiés, ses chansons de la nature intéressent peu les citadins.
En juin 1950, Jacques Normand fait entendre à l'imprésario français Jacques Canetti un enregistrement «maison» de la chanson Le train du nord de Félix Leclerc. Impressionné, Canetti lui fait enregistrer sur le champ une douzaine de chansons aux studios de CKVL et lui offre un contrat de cinq ans avec la maison Polydor. Six mois plus tard, il propose à Leclerc un engagement de trois semaines à l'ABC de Paris, en première partie des COMPAGNONS DE LA CHANSON. Avec ses bottes, sa veste à carreaux et sa guitare, Félix Leclerc, dit le Canadien, y remporte le soir du 22 décembre 1950 un véritable triomphe. Il tient ensuite pendant 14 mois l'affiche des Trois Baudets (de Canetti), puis effectue des tournées en France, ailleurs en Europe et au Proche-Orient. Il enregistre un premier album qui contient Le train du nord, Bozo, Le roi heureux, Contumace, L'hymne au printemps, Le petit bonheur, Écho, Francis et Moi, mes souliers, chanson qui remporte un grand prix de l'Académie Charles-Cros en 1951. Au Québec, c'est la stupeur. Le paysan dont on se moquait gentiment hier a conquis le monde sans rien changer à son allure, à ses textes ou à sa langue! D'un coup, la chanson québécoise vient de gagner ses lettres de noblesse.
Félix Leclerc publie les pièces Théâtre de village (1951) et Le hamac dans les voiles (1952). Au cours d'un bref séjour au Québec au printemps 1951, il est reçu en grandes pompes à l'Hôtel de Ville de Montréal et donne quelques spectacles au Continental, boîte qu'anime Jacques Normand. Suivent deux années de tournées ininterrompues en Europe où Félix Leclerc, déjà considéré comme un grand de la chanson, suscite l'admiration de jeunes débutants comme Jacques Brel et Georges Brassens. Revenu au Québec, en 1953, il triomphe au Continental. Sa pièce Le petit bonheur est jouée à Lausanne (70 représentations). Quelques mois auparavant, Les péchés dans le hall avait été jouée à la radio de la SRC. En 1956, le Théâtre du Rideau Vert crée Sonnez les matines, pièce qui sera reprise en 1959 à Montréal et à Québec. Se considérant avant tout comme un écrivain, Félix Leclerc refuse la plupart des contrats qu'on lui offre, y compris un passage au Ed Sullivan Show (CBS) et des spectacles à Las Vegas. Pour la télévision de la SRC, il écrit le téléroman Nérée Tousignant (1956), des sketches pour l'émission Eaux vives, et le téléthéâtre Village du refus (1957). Il publie les pièces de théâtre Moi mes souliers (1955), Sonnez les matines (1956), Le fou de l'île (1958) et Le petit bonheur. Il remporte à nouveau un grand prix de l'Académie Charles-Cros en 1958 pour son deuxième album (1957) qui comprend notamment Comme Abraham, Attends-moi ti-gars, Un petit soulier rose, Prière bohémienne, Ce matin-là et Le Québécois. En 1959, Charles Apothéloz devient son imprésario et lui obtient une tournée de huit mois en Europe. Félix Leclerc enregistre sur son troisième album (1959) Tirelou, L'héritage et Tour de reins.
Félix Leclerc commence à fréquenter les nouvelles boîtes à chansons comme la Butte à Mathieu. Il publie en 1961 Calepins d'un flâneur. Parue l'année suivante, sa pièce L'auberge des morts subites est jouée 153 fois au Gésu à Montréal et un peu partout en tournée. Félix Leclerc enregistre à Paris un nouvel album (1962) avec des chansons comme Le bal, Le roi heureux, MacPherson, Notre sentier et Ton visage de Jean-Pierre Ferland. En 1964, il endisque de nouvelles compositions, dont Premier amour, La valse à Joseph et Y a des amours, et réenregistre certains de ses premiers succès. La même année, la SRC présente son téléthéâtre Le roi viendra demain. Félix Leclerc reçoit une subvention pour aller présenter la pièce Le petit bonheur à Paris. Après 50 représentations, la presse française est partagée. Les relations de Leclerc avec la presse québécoise, qui accentue ce demi-succès, s'enveniment. Après l'échec de la comédie Les temples présentée à la Comédie-Canadienne en 1966, Félix Leclerc quitte le Québec et s'installe en Suisse. Après un triomphe à Bobino à Paris et une tournée européenne, il revient donner un spectacle à la Place des Arts de Montréal en novembre 1967. Il publie Chansons pour tes yeux en 1968, et, l'année suivante, vient chanter au Festival d'été de Québec. En 1970, le poète de 56 ans se réinstalle au Québec, dans une maison de l'Île d'Orléans qu'il bâtit lui-même.
S'étant jusque-là toujours tenu à l'écart du débat politique québécois, Félix Leclerc devient l'un des plus farouches partisans de l'indépendance du Québec suite à l'imposition par le gouvernement fédéral des mesures de guerre au Québec en 1970. Il publie en 1972 l'album L'alouette en colère qui comprend notamment, outre la pièce titre, la chanson Les 100 000 façons de tuer un homme. En 1973, l'Académie Charles-Cros lui remet un prix pour l'ensemble de son oeuvre. Sa pièce La peur à Raoul est jouée à Québec et il effectue une importante tournée en Europe francophone où il est encore adulé. En août 1974, Félix Leclerc, Gilles Vigneault et Robert Charlebois, trois générations de chansonniers québécois, triomphent sur les plaines d'Abraham à Québec dans le cadre de la Superfrancofête. L'événement donne lieu à l'album J'ai vu le loup, le renard, le lion. Félix Leclerc publie à cette époque les pièces de théâtre Carcajou ou le diable des bois (1973) et L'ancêtre (1974).
En 1975, année où la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal lui décerne le prix de musique Calixa-Lavallée, Félix Leclerc amorce avec l'orchestrateur François Dompierre une collaboration musicale d'où naît, notamment, la magistrale chanson Le tour de l'île. Sur l'album du même titre, Leclerc enregistre, entre autres, La complainte du phoque en Alaska de Beau Dommage et Sors-moi donc, Albert. Toujours en 1975, Félix Leclerc effectue une autre tournée en France qui culmine par 42 représentations et un enregistrement du spectacle Merci la France au Théâtre Montparnasse à Paris en décembre. En 1976, il reçoit un diplôme d'honneur de la Conférence canadienne des arts et donne un spectacle avec Claude Léveillée au Théâtre de l'Île d'Orléans (album Le temps d'une saison). Suite à l'élection du Parti québécois le 15 novembre 1976, Félix Leclerc écrit L'an un et La nuit du 15 novembre qu'on retrouve sur l'album Mon fils (1978).
En 1977, le gouvernement du Québec décerne à Félix Leclerc le prix Denise-Pelletier pour l'ensemble de son oeuvre théâtrale. En mai, après une dernière tournée en France, Leclerc travaille dans l'intimité avec Beau Dommage. Une douzaine de chansons, inédites à ce jour, sont enregistrées. Il publie en 1978 le recueil de pensées Le petit livre bleu de Félix et et enregistrera l'album Mon fils, qui deviendra son testament musical. En février 1979, il publie dans le magazine Actualité un texte incitant les gens à voter oui au référendum («Le jour du référendum...»). En avril, il enregistre, sur des enregistrements de François Dompierre, 36 de ses plus belles chansons qui seront regroupées en un coffret de trois disques intitulé Chansons dans la mémoire longtemps. Sur des musiques d'ambiance de Claude Léveillée, il endisque également les contes La légende du petit ours gris et Le journal d'un chien, son dernier enregistrement. Toujours en 1979, Félix Leclerc accepte de prêter son prénom aux trophées distribués par l'Association de l'industrie du disque et du spectacle québécois. L'ADISQ lui décerne son trophée «Témoignage» au cours de son premier gala.
De 1980 à 1984, Félix Leclerc vit en retrait sur ses terres de l'Île d'Orléans. Il publie Rêves à vendre (1984), un recueil de maximes politiques et philosophiques qui constitue la suite des Calepins d'un flâneur publiés en 1961. À l'instigation de son ami Jean-Pierre Ferland, il écrit et participe à Rêves à vendre, un spécial télévisé diffusé le 13 janvier 1985 (SRC). On le revoit également dans En cerf-volant le Québec (SRC, 1985). Le 26 juin 1985, Félix Leclerc est reçu de l'Ordre national des Québécois par le premier ministre René Lévesque. En 1987, l'album Merci Félix de la chanteuse Johanne Blouin grimpe en tête des palmarès, faisant découvrir le chansonnier à toute une nouvelle génération. Parue sur cet album, la chanson Le p'tit bonheur remportera le Grand Prix Radio-Mutuel de la chanson québécoise de 1988, décerné d'après le vote populaire. En 1988, Félix Leclerc projette de mettre sur pied une fondation qui viendrait en aide aux jeunes débutants de la chanson et termine un autre volume de ses Calepins d'un flâneur qu'il doit publier à l'automne (Dernier calepin, 1988). Mais il s'éteint dans son sommeil au matin du 8 août 1988.
Félix Leclerc fut le sujet des films Félix Leclerc troubadour (ONF, 1958), La vie (ONF, 1967), et C'est la première fois que je chante (ONF, 1988). Il a participé au film Les brûlés (ONF, 1959) et chanta sur les documentaires La drave (ONF, 1957) et Manic 5 (Hydro-Québec, 1965). Il fut enfin l'animateur des Légendes du Canada français, émissions de télévision produites dans les années 1970 par Vidéo Club d'Amérique et diffusées par CFTM.
On comprend alors que sa mort, survenue à sa demeure de l'île d'Orléans le 8 août 1988, soit suivie d'un deuil général. Sa famille reçoit des témoignages d'amitié, d'amour, d'admiration de partout. Carol Néron, dans le Quotidien de Chicoutimi : « Leclerc aura été à notre culture ce que René Lévesque fut à la politique. Avec sa pensée originale, Félix a proposé une démarche qui a contribué à faire de lui une légende vivante. Il a donné au Québec une identité qui lui est désormais propre, une présence internationale que personne encore, chez nous, n'est parvenu à égaler de manière aussi éclatante et subtile à la fois.»
Les poètes, il les aime traversiers, en friches, et il va les chercher pure source, plein pays, pour remonter avec eux le cours de leur oeuvre. Gérard Pierron est un marin de terre, un navigateur infatigable qui a toujours su prendre le temps de la rencontre et de la découverte. Un homme qui marche, et qui marche d'abord à la curiosité des autres. Un amoureux viscéral de la campagne, de la mer, et de la nature en général, autrement dit un oiseau tendre qui a besoin de prendre l'air pour distiller ses mélodies...
30 ans après Gérard Pierron et Bernard Meulien
se retrouvent dans un hommage à Gaston Couté
avec la chanteuse Hélène Maurice et les musiciens :
Nathalie Fortin (piano) ou Marie Mazille (clarinettes, violon)
et Etienne Boisdron (accordéon)
Gaston Couté (1880-1911)
Il est sûrement parmi tous les poètes que Gérard Pierron a chanté, celui qui prend la place la plus importante dans sa carrière de mélodiste et de chanteur.
Entre 1969 et 1999, c'est plus de trente textes de Gaston Couté
que Gérard a mis en musique et interprète dans ses spectacles.
Gérard et Gaston Couté
En février mars 1978, Michel Rebourg faisait paraître dans le quotidien "La République du Centre" une série d'articles intitulée "Sur les traces de Gaston Couté". En voici ici deux extraits.
Le premier relate sa visite à Meung-sur-Loire et sa rencontre avec les "amis" de Gaston Couté et le second rapporte une soirée spectacle avec Gérard Pierron.
"Comment es-tu venu à lire, à interpréter Gaston Couté ?
Gérard Pierron : J'étais à l'époque à Montmartre (1967) et un copain m'avait invité à prendre un pot chez lui. On a écouté un disque réunissant des chansons, des poésies de " poètes maudits " et parmi celles-ci je remarquai " Jour de lessive " interprétée par Pierre Brasseur.
Chanson dont je me souvins deux ans après qui me revenait à l'esprit et qui me donna l'envie de mieux connaître Couté.
J'allai donc faire le tour des bouquinistes en demandant à l'un, à l'autre, s'il ne connaissait pas l'auteur de ce poème. Quelques-uns me répondirent Jacques Prévert (effectivement, il y a un texte de Prévert qui porte ce titre). Et enfin on me répondit : " cela doit être Prévert ou Couté ; en effet je connais bien, j'ai un livre sur sa vie et je vends également des volumes du " Gâs qu'a mal tourné". C'était Louis Lanoizelée.
Des mélodies se bousculaient ma tète, j'en montre deux à Léonardi et Monique Morelli, interprète de Couté, puis le silence pendant cinq ans.
En 1990, l'éditeur Christian Pirot a publié "Gaston Couté, les mangeux d' terre" avec un avant-propos de Gérard Pierron :
Aujourd'hui, nous avons occupé - mon ami Édouard Dupain et moi - des positions élevées. Nous avons travaillé sur le toit. Maintenant, nous nous réchaufTons près de la cheminée où se consument chevrons pourris et lattes.
Le charpentier couvreur lit à haute voix un poème de Gaston Couté avec son accent morvandiau. Avec lui " L'école " devient " L'instruisou". J'adore.
La radio parle de l'assassinat de Malik. De ce trop de cynisme, on n'en peut plus. Nous avons compris depuis belle lurette que les chants révolutionnaires ne marchent qu'à trois cents mètres par seconde. Et le chemin est long à parcourir, Édouard Dupain semble satisfait de sa lecture. Il n'est pas homme à s'emballer. L'emploi des superlatifs, c'est pas son truc. Il se gratte le dos avec l'extrémité de son mètre à ruban et dit tout simplement : " C'est un fort".
" Gaston, tu m'as fait gagner ma vie ces dernières années. Grâce à toi j'ai parcouru toute la France profonde et j'ai trouvé bien du chang'ment depuis ton passage."
Mais tu sais, en 1989, il y a encore des p'tits vins qui se laissent boire... Tu aimeras celui de ton cadet de deux ans, Eugène Bizeau, le chansonnier de Véretz. C'est un p'tit blanc des côtes du Cher, très bien vers onze heures du matin ".
Bientôt l'Océane annonce de ses grands panneaux " Viaduc des Mauves ". Nous sommes en Beauce, à 136 kilomètres de Paris, un peu avant Meung-sur-Loire. Le moulin de Clan où Gaston Couté passa son enfance avant 1900 est bien là debout... tout frais recrépi. Ami automobiliste, quand tu auras franchi les Mauves, ces petits ruisseaux aux bords desquels flânait un gamin-poète, lève ton chapeau ! Le chemin que tu viens de faire à 130 à l'heure, il l'a fait à pied."
à l'occasion des journées "Gaston Couté" à Meung sur Loire le 24 sept 2006
Bernard Meulien et Gérard Pierron accompagné par Nathalie Fortin (piano) avaient invité Hélène Maurice et Etienne Boidron (accordéon) à les rejoindre sur scène.
Gérard et Bernard
une déjà longue complicité
A propos des journées Gaston Couté à Meung sur Loire les 23/24 sept 2006 Enfin 15 h, on s'entasse dans la Fabrique pour écouter Gérard Pierron et Bernard Meulien, accompagnés au piano par la talentueuse Nathalie Fortin, et par un bien chouette accordéoniste dont j'aurais dû noter le nom car il est un petit orchestre à lui tout seul. Gérard et Bernard ensemble, pour certains c'était une découverte, pour d'autres cela renvoyait à de vieux souvenirs, pour beaucoup c'est ceux par qui ils ont découvert Couté... L'émotion était palpable malgré l'humour de certains textes et la drôlerie de la Québécoise Hélène Maurice venu rejoindre les gars au bout d'un moment ; expliquer pourquoi ils nous bouleversent à ce point, les vieux potes, n'est pas facile, mais le fait est que des larmes ont perlé par ci par là à ce qu'on dit, et qu'au moment de chanter avec eux "Les Mangeux d'terre", qui sur la musique de Pierron est devenu le chant de ralliement des dingues de Gaston (et le générique du site de Christian !), il y a eu des gosiers qui ne sont pas arrivés à l'articuler tellement ils étaient serrés... Et c'est debout que nous avons applaudi à tout rompre les deux compères réunis trente ans après.
Certains pays paraissent prédestinés, s'il en fallait une preuve, il n'est que de regarder Meung-sur-Loire, la cité des poètes. Amoureusement enlacée entre les bras colorés des Trois-Mauves, cette calme petite agglomération vit successivement trois grands poètes, et trois parmi les plus grands, s'abriter aux bords de la Beauce et de la Loire, dans un décor agreste et romantique.
C'est d'abord Jean Clopinel, dit Jehan de Meung, l'auteur de la seconde partie du "Roman de la Rose". Quelque 150 ans plus tard, c'est François Villon qui fut embastillé dans la tour de Manassès de Garlande sur ordre de Thibault d'Aussigny, évêque d'Orléans, pour on ne sait trop quel méfait ; le pauvre poète dut subir la question ordinaire et fut condamné à mort en toute charité chrétienne par le saint homme.
Est-ce là que le " Testament " fut écrit ou simplement ébauché ?
Nul ne le saura jamais.
Fort heureusement, le roi Louis XI, mis au courant des malheurs du pauvre "escholier", le fit remettre en liberté .
Quatre siècles et demi plus tard, arrivait à Meung-sur-Loire Gaston Couté.
Il était alors âgé de trois ans, ayant vu le jour à Beaugency le 23 septembre 1880, au Moulin des Murs, rue du Rû, demeure aujourd'hui disparue par les soins d'aviateurs yankees qui virent là un important objectif militaire lors de la dernière mondiale. Le père de Gaston, qui se prénomme Eugène Désiré, avait fait l'acquisition du Moulin du Clan, sur les Mauves, près de Roudon.
Ce moulin existe encore et, extérieurement du moins, n'a pas changé d'aspect. Son propriétaire est un homme charmant qui professe une grande admiration pour Couté. De fraîches et jeunes prairies bordent les bras de la rivière que longent parfois de maigres sentiers envahis par les buissons.
Des ponts rudimentaires, faits de planches vermoulues et mal assujetties, relient çà et là une rive à l'autre. Toute l'enfance du poète se déroula au milieu de ce décor, près des " fossés où gît le rêve, dans les gazons aux ors fanés " écrira Gaston Couté en faisant l'école buissonnière, ou tout au moins en y rêvant, car, tout compte fait, il ne fut pas trop mauvais élève à la communale puisqu'il y décrocha le certificat d'études à 11 ans. Il devait échouer au brevet élémentaire à 15 ans pour la composition de français et ceci parce qu'il avait donné sa propre copie à un de ses camarades d'école,
Ce fut alors l'épisode du lycée d'Orléans où le jeune garçon entra au mois de septembre 1895.
Incapable de se plier à quelque discipline que ce soit, il devint rapidement un élève médiocre.
Cette vie de caserne lui pesait terriblement, le manque total de liberté allait le transformer en révolté. Souvent consigné le dimanche, il restait dans sa prison au lieu d'aller se retremper dans la chaude atmosphère familiale. Il se vengeait en écrivant des vers rageurs.
Henri Poulaille aime d'ailleurs à raconter l'anecdote suivante, citée par Louis Lanoizelée dans son livre " Gaston Couté " : Ceci se passait au lycée Pothier, rue Jeanne-d'Arc à Orléans ; un jour, entre le professeur et l'élève s'engagea ce dialogue :
- Monsieur Couté n'a pas encore appris sa leçon de géométrie ?
- Euh!
- Monsieur Couté a sans doute fait des vers?
Couté ne répond pas, le professeur alors reprend :
- Monsieur Couté avoue qu'il a fait des vers, il ne sera pas puni
- J'ai fait des vers.
- Ah! Ah! s'écrie le professeur. Ah ! vous avez fait des vers. Voulez-vous me les montrer ces vers, que nous les lisions ensemble ?
Couté lui apporta quelques pages griffonnées que le maître lut à haute voix... La classe ricanait tandis que le professeur décortiquait le poème. Il était plein de pathos, de rhétorique, mal coupé et ses rimes étaient d'une insuffisance navrante.
L'auteur, concluait-il, eût mieux fait d'employer son temps à apprendre sa leçon,
Or Couté avait recopié, afin de voir les dons de ses maîtres, une pièce de Victor Hugo !
Il résista au plaisir de dénoncer la supercherie, mais le dégoût qu'il avait de l'école ne fit que s'accroître et sa confiance en ses professeurs en diminua d'autant.
A noter que le censeur des études s'appelait M. Turc.
C'est alors que le journal " La Meunerie française " publie son premier conte en 1896, mais Couté se fait mettre à la porte du lycée à l'âge de dix-sept ans. Il y aura au moins fait la connaissance d'un garçon sympathique, d'un an son cadet, le délicieux Pierre Dumarchey, plus connu sous son pseudonyme de Pierre Mac Orlan. Ce devait être là le début d'une longue et fidèle amitié.
Ne devraient-ils pas habiter porte à porte, au second étage de l'hôtel Bouscarat, place du Tertre, aujourd'hui abominablement transformé et rebaptisé " Cabaret de la Bohème " ? Le jeune poète doit gagner sa vie, on l'embauche à la recette générale d'Orléans, puis à la perception d'Ingré, petit bourg au nord d'Orléans, au dessus de Saint-Jean-de-la-Ruelle.
La vie de fonctionnaire ne lui convient pas et il entre à la rédaction du journal " Le Progrès du Loiret " où, en plus de ses reportages, il publie des poèmes. Il collabore en outre à la " Revue littéraire et sténographique du Centre " où ses poèmes de jeunesse apparaissent déjà comme étant de grande classe.
Avec un viatique de cent francs et quelques poèmes en poche, le poète débarque à Paris le 31 octobre 1898. La plupart de ses oeuvres sont déjà écrites. Elles le sont en patois beauceron, langage original, coloré, plein d'images neuves qui sentent bon le terroir.
Le grand mérite de Couté est d'avoir " francisé " ce patois au point de le rendre accessible à tous, sans toutefois en déformer le sens ou même l'agréable saveur.
Mais cinq louis fondent vite à Paris et, au bout de quelques jours, le garçon n'a plus le sou. Il débute au cabaret AL Tartaine, boulevard Rochechouart ; son cachet : un café-crème et quelques croissants !
Le Chat Noir venait tout juste de, disparaître et de nombreux cabarets artistiques s'étaient ouverts pour le plus grand bénéfice de leurs directeurs.
Couté connaît alors une misère noire, il se refuse à demander de l'argent à ses parents, et ses amis de bohème l'aident à ne pas mourir de faim. Au bout d'un mois, on l'engage à l'Ane Rouge, avenue Trudaine, pour trois francs cinquante par soirée. Coiffé d'un chapeau paysan à larges bords, vêtu d'une blouse bleue de Solognot, il se présente devant le public sans le saluer et débite ses satires avec son bel accent aux savoureux barbarismes.
L'Ane Rouge fut un tremplin. Très rapidement, Couté devient une tête d'affiche : le voici aux Noctambules, aux Quat-z-Arts, au Conservatoire de Montmartre, au Pacha Noir, à l'Alouette, au Carillon, à la Nouvelle Athènes, aux Arts, à Gringoire, à la Truie qui file, dont il devient d'ailleurs le codirecteur avec Dominus et Dumestre.
Il vient parfois s'attabler au Lapin à Gill où il retrouve son ami Pierre Mac Orlan avant de rentrer ensemble chez Bouscarat. De la rue Saint-Vincent à la place du Tertre, le chemin est quelquefois difficile tant les brumes de l'alcool savent surpasser le " fog " londonien, mais qu'importe et, comme se plaisait à le dire Mac Orlan, il est heureux que les murs n'aient pas été munis d'appareils d'enregistrement !
Gaston Couté gagne beaucoup d'argent mais il n'a jamais le sou tant il est généreux ; il ne peut supporter aucune misère. Ses amis de bohème l'entraînent trop souvent dans des beuveries qui ruinent une santé déjà fort précaire.
Gaston Couté vedette d'un Gala pour Radio Libertaire en 1983
Le poète a été réformé du service militaire, ce qui est une aubaine pour l'antimilitariste révolté qu'il est et qu'il restera ; un départ pour l'armée aurait sans doute signifié un départ pour les bataillons d'Afrique d'où il ne serait pas revenu. Trois fois successives, le poète devra passer devant le conseil de révision. Il en fait une chanson.
Toutefois, son opposition à la bêtise humaine et au panurgisme s'exprime encore plus violemment dans son poème " Les Conscrits " qui lui valut un jour une scène amusante : un homme furieux se lève parmi le public et dit :
- je suis capitaine, je rougis des paroles que vous venez de prononcer contre l'armée !
- Le rouge va très bien à un militaire ! répondit Couté.
Cette oeuvre lui valut aussi d'être un jour lapidé en compagnie de son ami Frottier par les jeunes gens de son pays, les deux garçons ne durent leur salut qu'à leur fuite ! Hormis la reconquête de l'Alsace, ce poème est pourtant toujours d'actualité.
Quant aux instituteurs, c'est une haine bien sentie que le poète éprouve à leur égard. En fait, ce n'est point tant à la communale de Meung que ce sentiment lui est venu, mais au lycée Pothier où les éducateurs de ce temps n'étaient pas très forts en psychologie. Certes, Gaston Couté et Maurice Frottier firent de concert l'école buissonnière et c'est peut-être en souvenir de ce très jeune temps que le poète écrira Cette société dans laquelle évolue le poète ne lui inspire que révolte et pitié : révolte contre " les mangeux d'pain gangné ", pitié pour les " ceusses qu'a pas d'position ".
Il faut bien comprendre Couté : c'était avant tout un tendre, un cœur en or qui ne pouvait supporter aucune injustice, et ce tendre se révoltait au contact de l'égoïsme de quelques uns et de la passivité des autres. Cet individualiste ne suivait aucune chapelle et, s'il fréquentait habituellement les anarchistes, ce fut toujours en restant lui-même, en se refusant à suivre tout mot d'ordre qui aurait pu l'enchaîner.
Cette société, ne la rejette-il pas tout entière dans son magistral poème " Les Gourgandines " ?
Cette nostalgie du pays natal, Gaston l'éprouve sans cesse. Bien sûr, il lui faut vivre, d'autant plus qu'il ne veut absolument pas demander quoi que ce soit à ses parents, lesquels d'ailleurs se feraient une joie de lui donner tout ce dont il pourrait avoir besoin.
Alors, le poète rêve, il rêve à qui?
Comment donc se nommait cette fille, cette fille dont l'image le poursuit et qu'il revoit toujours, toujours près des Mauves de son enfance : " J'dounnerai ben tout c'que j'ai en poche! "...
Ce que contient cette poche est la seule fortune du hors-la-loi !...
Et tout ça pour retrouver l'innocence de la jeunesse, laquelle se moque éperdument des contingences sociales, de l'argent et de tout ce qui empoisonne la vie d'un adulte.
Un jour, après une bordée sans précédent, Gaston décide de partir pour le pays. Il venait de dilapider 250 francs or en une soirée et n'avait, bien entendu, plus un radis. Des amis veulent lui prêter de l'argent pour son voyage : il refuse et s'en va par les routes et les chemins en compagnie de son ami, le chansonnier Maurice Lucas.
Ils vivent comme ils peuvent car les Beaucerons ne sont pas généreux avec les poètes !
Ils donnent bien quelques soirées çà et là, mais qui donc pourra délier les cordons de la bourse de ces rustres, âpres au gain, qui vendraient leur âme au diable s'ils n'avaient peur de l'enfer ?
C'est alors que Couté se remémore son magnifique " Christ en bois ", écrit à Orléans lorsqu'il rédigeait au "Progrès du Loiret ", qui raconte l'aventure d'un chemineau arrêté, un soir d'hiver, au pied d'un calvaire :
" Mais, tu t'en fous, toué, qu'i' fass' froué T'as l'cul, t'as l'coeur, t'as tout en boués !" ...
Lucas et Couté arrivent tant bien que mal à Meung-sur-Loire.
Leur allure est plutôt celle de vagabonds que celle de chansonniers en tournée. Sales, couverts de poussière, les pieds dans des chaussures éculées, ils ont piteuse mine. Lucas portant beau toutefois, sa lavalière largement déployée, lorgnon sur le nez et canne à la main, tandis que le pauvre Gaston ne porte qu'une musette sale et s'aide, en guise de canne, d'une baguette de coudrier.
Oui mais, à Meung, voici le logis familial et Couté arrive au moment où sa mère prépare la lessive annuelle : il en était ainsi dans ces temps, et la cendre du four -cendre de bois non grasse- tenait lieu de détergent. Le linge était alors mis à sécher dans les prairies sous les chauds rayons du soleil.
Dans les larmes de la joie, une chanson naît. Rentré à Paris, le succès continue aussi bien à Montmartre qu'à Rouen et à Bruxelles. Son éditeur lui paye ses chansons à l'avance !
Ses accents plaisent à un public habitué aux oeuvres conformistes, cela les change, mais malheureusement ne les désintoxique pas, car la guerre de 1914 approche et une vague de chauvinisme, savamment orchestrée, s'abat sur la France. Les directeurs de salles, en prudents commerçants -à défaut de patriotisme- hésitent à engager des artistes trop imprudemment engagés, eux, dans le non-conformisme et le pacifisme.
Les portes se ferment devant lui, Couté enrage, il décide alors de collaborer à "La Guerre sociale" de Gustave Hervé, dès le 22 juin 1910. Il y publie une chanson par semaine, chants de révolte sur l'actualité dans lesquels, certes, la prosodie et la versification sont souvent malmenées.
Ce qui devait arriver arriva : le 13 juin 1911, il est poursuivi pour outrages à la magistrature, cette magistrature bien assise qui prête serment à n'importe qui, n'importe quand et n'importe où, qui sert tous les régimes, quels qu'ils soient.
Ah ! il ne fait pas bon la chatouiller, l'empêcher de somnoler, un chat fourré est un tabou et, par conséquent, Couté doit être condamné, fût-ce sans jugement.
C'est d'ailleurs ce qui arriva : quelques jours plus tard, le poète fut condamné par contumace. Le président demanda à l'avocat s'il n'avait rien à objecter, celui-ci répondit :
" Si, Messieurs, j'ai simplement à vous dire que vous venez de condamner un mort! "
Car, c'était vrai !
Si Couté n'était pas à son procès, c'est que le soir du 26 juin 1911, il était rentré exténué à son hôtel Bouscarat. Le lendemain on le transportait à Lariboisière et, le 28 juin 1911, à 14 heures, la phtisie galopante avait fait son oeuvre. il n'avait pas trente-et-un ans !
Le cortège funèbre est imposant : trois amis mènent le deuil, Guy Perron, Fernand Pointier et Maurice Frottier. Le chansonnier Xavier Privas prononce l'éloge funèbre, les larmes aux yeux, c'est l'hommage d'un poète à un autre poète. Des chansonniers, des artistes, des écrivains, des militants syndicalistes et même des politiciens accompagnent le poète jusqu'à l'embarcadère de la gare d'Orléans.
Boulevard Magenta, les ouvriers qui travaillent aux canalisations du Métropolitain se rangent de chaque côté du boulevard pour former une double haie en hommage au disparu.
Son oeuvre pourtant reste extraordinaire... Ah ! que l'insolite fleurit bien aux bords des Mauves ... Comme François Villon, Gaston Couté fut un mauvais garçon au regard de ses contemporains ; comme Jehan de Meung, il dénonça les préjugés, les hypocrisies et les injustices, il railla les idées en cours et les gens en place ...
L'oeuvre de Couté est marquée par son enfance, on y retrouve souvent la nostalgie des moulins, du blé, des guérets : Maurice Duhamel écrivait en 1904 que "les causes que plaide Couté sont assez souvent de nature à rallier tous les suffrages, pour que notre admiration persiste, devant le paradoxe d'une conception particulière. Et puis une idée est toujours intéressante et belle quand elle est bellement exprimée. Or Couté magnifie les siennes par la forme la plus inédite, la plus saisissante et la plus pittoresque qui soit ".
Couté avait choisi la liberté plutôt que de devenir meunier en succédant à son père ; en acceptant de sacrifier son penchant naturel pour la justice, il aurait pu devenir très riche, très considéré et, peut-être, Meung-sur-Loire l'aurait-elle compté parmi ses édiles municipaux.
A tout cela, il a préféré rester seul, éternellement seul, pour ne pas " mett' le nez dans la pâté sal' de leu-z-auge" il a voulu devenir ce "gâs qu'a mal tourné", mais le souvenir de ce génie restera profondément gravé dans les cœurs de tous ceux qui aiment le langage des dieux. Lui, qui détestait les statues, a maintenant la sienne en plein centre de Meung-sur-Loire.
Ses yeux de pierre restent indifférents au passage, sur la route nationale, des automobiles qu'il exécrait. Lorsque vous passez à Meung, arrêtez-vous pour le saluer et, si vous en avez le temps, rendez-vous à la mairie où un musée lui est consacré.
Vous y serez reçu amicalement par Gaston Coutant, dévoué conservateur et secrétaire général des Amis de Gaston Couté. Vous y verrez des manuscrits du poète et aussi de curieux dessins humoristiques que Couté aimait composer. Gaston Couté repose aujourd'hui dans le " champ de naviots " près des jachères et des guérets, près des buissons verts qu'arrosent les bras cajoleurs des Mauves. Parfois, dans le chemin qui borde le cimetière, des amoureux passent et s'embrassent tendrement, mais les garçons ne portent plus la courte blouse bleue et les filles ont abandonné leur belle coiffe blanche.
Ils ne parlent plus le si joli patois cher à Couté mais ils s'en vont toujours danser à la frairie comme au temps du poète, et le soleil, tout près de sa tombe, fait alors revivre un court instant la silhouette dorée de Marie des Mauves...
Bernard SALMON (La Rue 1970)
un site entièrement consacré à G. Couté
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L'HOMMAGE DE LA CHANSON AUX OBSEQUES DE GASTON COUTE
Mesdames,
Messieurs,
Chers Camarades,
Homme tu es un pendule oscillant Entre une larme et un sourire ?
Cette belle pensée de Lord Byron s'offre à ma mémoire, à l'heure où je viens, au nom de la Chanson et de ses adeptes, saluer la dépouille d'un poète de talent considérable, de caractère indépendant et de cœur généreux. N'est-ce pas le sourire aux lèvres et le couplet joyeux à l'esprit, que le paysan philosophe que nous pleurons a fustigé l'hypocrisie sociale et cinglé le vice humain ?
Poète rustique, ce " Mistral de la Beauce" comme l'appellent ses admirateurs et ses amis, a chanté la splendeur de la nature, célébré la vie dans toutes nos joies et prêché l'amour.
La terre natale, en mère jalouse, réclame aujourd'hui ce déraciné dont Paris, la ville tentaculaire, a brisé le corps, mais n'a pu atteindre l'âme. " La misère, les privations, a écrit George Sand, le travail ou l'oisiveté forcés, également destructifs pour la jeunesse; un climat malsain, des conditions d'existence déplorables, c'en est bien assez pour ruiner la sève la plus généreuse ! "
Eh bien! dans ce milieu déprimant, dans cette atmosphère funeste, la sève poétique, puissante et saine de Gaston Couté n'a jamais été amoindrie dans sa force, dans sa fraîcheur, dans sa pureté ! Son œuvre colorée, imagée et originale défendra son nom contre l'oubli des hommes, et quand renaîtront les saisons fleuries, les belles filles et les joyeux gâs de sa terre beauceronne rediront dans leurs promenades du soir, "sous les étoiles qui brillent, parmi la plaine aux récoltes où les moulins virevoltent ", la chanson gracieuse du Beau Cœur de Mai et la cantilène mélodieuse des Mains Blanches.
Et les pauvres diables de la ville, les humbles, les opprimés, tous les parias qu'il a défendus avec tant de courage et de fermeté puiseront dans ses vers l'énergie nécessaire à la lutte pour cette vie misérable, que le grand Shakespeare définit par ces mots : " Demain et demain et demain, c'est ainsi que, de jour en jour, à petits pas, nous nous glissons jusqu'à la dernière syllabe du temps inscrit sur le livre de nos destins, et tous nos hiers n'ont été que des fous qui nous ont ouvert la route vers la poussière et la mort.
La vie, ce n'est qu'une ombre qui marche, un pauvre comédien qui gambade et s'agite sur le théâtre pendant l'heure qui lui est accordée, et dont on n'entend plus parler ensuite ; c'est un conte plein de tapage et de fureur et qui ne signifie rien. Ce conte est terminé pour toi, pauvre petit gâs de la Beauce !
Va reposer en paix auprès des tiens. Nous garderons pieusement ton souvenir, car les poètes qui meurent jeunes sont non seulement aimés des Dieux, mais aussi des hommes !
Xavier PRIVAS. Le 30 juin 1911.
Gaston Couté
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Poète et Chansonnier
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Vêtu d'un costume beauceron, Gaston Couté s'exprime le plus souvent en patois et rencontre un certain succès. Essentiellement composé d'oeuvres d'inspiration rurale, il représente et reste aujourd'hui encore le "poète paysan" par excellence. Son répertoire commence à évoluer et de chansonnier rural, il devient progressivement l'un des poètes anarchistes les plus importants de ce début de siècle. Il est engagé dans tous les grands combats idéologiques, tels que la laïcité, le pacifisme, etc... il publie chaque jour, à la une du journal Guerre sociale , un texte corrosif écrit sur un air connu de tous, afin que chacun puisse le chanter et surtout le faire circuler.
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Le patois de chez nous
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Dans mon pays, dès ma naissance
Les premiers mots que j'entendis
Au travers de mon "innocence"
Semblaient venir du paradis.
C'était ma mère, toute heureuse,
Qui me fredonnait à mi-voi
Une simple et vieille berceuse,
En patois...
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Le joli patois de chez nous
Est très doux !
Et mon oreille aime à l'entendre.
Mais mon coeur le trouve plus doux,
Et -plus tendre !
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Dans mon pays, au temps des sèves,
A l'âge où d'instant en instant,
L'amour entrevu dans nos rêves
Se précise dans le Printemps.
Cueillant les fleurs que l'avril sème
Un jour, pour la première fois,
Une fille m'a dit : " Je t'aime"
En patois...
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De mon pays blond et tranquille
Quand je suis parti "déviré"
Par le vent soufflant vers la Ville,
Mes vieux et ma mie ont pleuré.
Pourtant, jusqu'au train en partance
M'ont accompagné tous les trois
Et m'ont souhaité bonne chance
En patois...
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Loin du pays, dans la tourmente
Hurlante et folle, de Paris,
Où ma pauvre âme se lamente
Un bonheur tantôt m'a surpris1
Des paroles fraîches et gaies
Ont apaisé mes noirs émois :
J'ai croisé des gens qui causaient
Mon patois...
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Nous vous conseillons de consulter l'excellent site entièrement dédié à Gaston Couté
http://www.gaston-coute.com
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Retour
Le gâs qu'a mal tourné
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Dans les temps qu'j'allais à l'école,
- Oùsqu'on m'vouèyait jamés bieaucoup, -
Je n'voulais pâs en fout'e un coup ;
J'm'en sauvais fér' des caberioles,
Dénicher les nids des bissons,
Sublailler, en becquant des mûres
Qui m'barbouillin tout'la figure,
Au yeu d'aller apprend' mes l'çons ;
C'qui fait qu'un jour qu'j'étais en classe,
(Tombait d' l'ieau, j'pouvions pâs m'prom'ner !)
L'mét'e i'm'dit, en s'levant d' sa place :
"Toué !... t'en vienras à mal tourner !"
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Il avait ben raison nout' mét'e,
C't'houmm'-là, i'd'vait m'counnét' par coeur !
J'ai trop voulu fére à ma tête
Et ça m'a point porté bounheur ;
J'ai trop aimé voulouér ét' lib'e
Coumm' du temps qu' j'étais écoyier ;
J'ai pâs pu t'ni' en équilib'e
Dans eun'plac', dans un atéyier,
Dans un burieau... ben qu'on n'y foute
Pâs grand chous' de tout' la journée...
J'ai enfilé la mauvais' route!
Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !
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A c'tt' heur', tous mes copains d'école,
Les ceuss' qu'appernin l'A B C
Et qu'écoutin les bounn's paroles,
l's sont casés, et ben casés !
Gn'en a qui sont clercs de notaire,
D'aut's qui sont commis épiciers,
D'aut's qu'a les protections du maire
Pour avouèr un post' d'empléyé...
Ça s'léss' viv' coumm' moutons en plaine,
Ça sait compter, pas raisounner !
J'pense queuqu'foués... et ça m'fait d'la peine
Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !
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Et pus tard, quand qu'i's s'ront en âge,
Leu' barbe v'nu, leu' temps fini,
l's vouéront à s'mett'e en ménage ;
l's s'appont'ront un bon p'tit nid
Oùsque vienra nicher l' ben-êt'e
Avec eun' femm'... devant la Loué !
Ça douét êt' bon d'la femme hounnête :
Gn'a qu'les putains qui veul'nt ben d'moué.
Et ça s'comprend, moué, j'ai pas d'rentes,
Parsounn' n'a eun' dot à m'dounner,
J'ai pas un méquier dont qu'on s'vante...
Moué ! j'sés un gâs qu'a mal tourné !
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l's s'ront ben vus par tout l'village,
Pasqu'i's gangn'ront pas mal d'argent
A fér des p'tits tripatrouillages
Au préjudic' des pauv'ers gens
Ou ben à licher les darrières
Des grouss'es légum's, des hauts placés.
Et quand, qu'à la fin d'leu carrière,
l's vouérront qu'i's ont ben assez
Volé, liché pour pus ren n'fére,
Tous les lichés, tous les ruinés
Diront qu'i's ont fait leu's affères...
Moué ! j's'rai un gâs qu'a mal tourné !
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C'est égal ! Si jamés je r'tourne
Un joure r'prend' l'air du pat'lin
Ousqu'à mon sujet les langu's tournent
Qu'ça en est comm' des rou's d'moulin,
Eh ben ! I' faura que j'leu dise
Aux gâs r'tirés ou établis
Qu'a pataugé dans la bêtise,
La bassesse et la crapulerie
Coumm' des vrais cochons qui pataugent,
Faurâ qu' j'leu' dis' qu' j'ai pas mis l'nez
Dans la pâté' sal' de leu-z-auge...
Et qu'c'est pour ça qu'j'ai mal tourné !...
Alain René GEORGES, Magicien ventriloque, vous propose l'animation de votre soirée avec un spectacle de Gaston Couté ou de magie.